Le Maroc, nouveau pôle africain de fortunes
Le Maroc compte désormais 7.500 millionnaires, un chiffre en hausse de 40 % en dix ans, ce qui illustre la vitalité de son économie et son rôle croissant sur le continent africain. Mais derrière cette prospérité, les inégalités persistent, interrogeant sur la capacité du Royaume à faire bénéficier l’ensemble de sa population de cette croissance.
Le Maroc s’affirme comme un acteur incontournable dans la concentration de fortunes en Afrique, selon l’ « Africa Wealth Report », publié le 26 août 2025, et qui recense 7.500 millionnaires dans le Royaume, soit une progression de 40 % en dix ans. Selon le rapport, l’Afrique du Sud conserve la première place du continent avec 41.100 millionnaires, tandis que l’Égypte en dénombre 14.800. Le Maroc devance le Nigeria, qui compte 7.200 millionnaires, et le Kenya avec 6.800. Ces cinq pays concentrent, à eux seuls, 63 % des millionnaires africains et 88 % des milliardaires du continent.
De même, « Africa Wealth Report » indique que la ville de Casablanca demeure le principal centre de richesse marocain avec 2.900 millionnaires, occupant le neuvième rang africain. Marrakech se distingue quant à elle par une progression exceptionnelle de 67 % de ses grandes fortunes sur dix ans, révélant l’émergence de nouveaux pôles de richesse hors des métropoles traditionnelles.
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Cette hausse du nombre de millionnaires s’explique par plusieurs facteurs, notamment la stabilité politique relative, le renforcement des infrastructures portuaires et industrielles, ainsi que la diversification des exportations — dans les secteurs agroalimentaire, des phosphates, de l’automobile et de l’aéronautique — qui contribue à créer un environnement propice à l’accumulation de capitaux. De plus, l’essor des énergies renouvelables avec les parcs éoliens et solaires, ainsi que les mesures incitatives pour les investissements étrangers complètent ce tableau favorable.
Parallèlement, l’attractivité du Maroc attire des flux de capitaux internationaux cherchant à diversifier leurs portefeuilles, notamment dans l’immobilier de luxe, le tourisme haut de gamme et les services financiers. Les programmes de migration par investissement renforcent également la position du Royaume comme destination privilégiée pour les investisseurs patrimoniaux mondiaux.
Inégalités malgré la croissance…
Cependant, bien que cette dynamique témoigne de l’attractivité croissante de l’économie marocaine et de son ouverture aux investissements, elle met en évidence un défi persistant : celui de la répartition de la richesse. En effet, en 2025, malgré des progrès notables dans la réduction de la pauvreté multidimensionnelle, passée de 11,9 % en 2014 à 6,8 % en 2024, soit près de 1,5 million de personnes sorties de la précarité selon le Haut-Commissariat au Plan, les inégalités sociales demeurent profondes. Ces dernières se traduisent par de fortes disparités territoriales, avec des régions rurales comme Béni Mellal-Khénifra, Fès-Meknès ou l’Oriental encore nettement en retrait par rapport aux pôles urbains tels que Casablanca, Rabat ou Laâyoune.
Par ailleurs, selon le HCP, l’indice de Gini (qui mesure les disparités économiques) est passé de 39,5 % en 2014 à 40,5 % en 2022, signe d’un creusement des écarts. Tandis que les 20 % les plus riches concentrent près de la moitié de la consommation des ménages, les 20 % les plus pauvres peinent à dépasser 7 %. La classe moyenne, de son côté, apparaît fragilisée et exposée à un risque de déclassement, particulièrement en milieu urbain. Selon les experts, ce fossé entre zones rurales et urbaines, couplé à une polarisation sociale croissante, rappelle que l’essor des grandes fortunes doit impérativement s’accompagner d’une meilleure redistribution afin de préserver la cohésion sociale.