27,4 MMDH de financements participatifs logés dans l’habitat
La mourabaha immobilière s’impose dans le paysage bancaire, mais son développement interroge sur la soutenabilité financière des ménages et l’avenir du secteur dans un contexte de mutation économique et réglementaire. En perspective, la mourabaha et les autres produits participatifs parviendront-ils à s’adapter à une mutation financière, ou resteront-ils cantonnés à un rôle de niche ?
Le Maroc a franchi un cap symbolique dans le développement de la finance participative. À fin juillet 2025, l’encours du financement participatif destiné à l’habitat a atteint 27,4 milliards de dirhams, selon les statistiques publiées par Bank Al-Maghrib. Ce volume, en hausse de 17,8 % sur un an, illustre la place croissante qu’occupent désormais les produits conformes à la charia dans le financement du logement, au premier rang desquels la mourabaha immobilière.
Si cette progression traduit l’appétit des ménages pour des solutions alternatives au crédit classique, elle soulève en même temps des questions structurelles : quelle est la capacité réelle des ménages marocains à supporter de tels engagements dans un contexte de ralentissement de la croissance, d’inflation persistante et de précarité sociale croissante ?
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Introduite en 2017 dans le cadre de la loi sur les banques participatives, la mourabaha immobilière consiste en un contrat par lequel la banque achète le bien convoité par le client avant de le lui revendre avec une marge bénéficiaire prédéfinie. Ce mécanisme, apprécié pour sa transparence et sa conformité aux principes de la finance islamique, connaît un succès marqué dans un pays où une partie des ménages restait réticente au crédit à intérêt.
En moins de huit ans, l’encours de la mourabaha immobilière a connu une progression spectaculaire, portée par une demande croissante de logements, notamment dans les classes moyennes urbaines. L’essor actuel reflète aussi une tendance mondiale : la finance islamique, estimée à plus de 3 000 milliards de dollars, séduit par sa promesse d’éthique et de partage du risque, même si la réalité montre une proximité opérationnelle avec les produits bancaires traditionnels.
La solvabilité des ménages, talon d’Achille du modèle
L’augmentation du financement participatif ne doit pas masquer un contexte social fragile. Selon le Haut-Commissariat au Plan, près d’un tiers des ménages marocains se déclarent en difficulté pour couvrir leurs dépenses essentielles. Le chômage des jeunes, supérieur à 30 %, et l’érosion du pouvoir d’achat due à l’inflation alimentaire accentuent cette vulnérabilité.
Dans ce cadre, l’attrait pour la mourabaha immobilière révèle une aspiration profonde à l’accession à la propriété, perçue comme un levier de sécurité sociale et patrimoniale. Mais il comporte un risque : celui d’une charge financière durablement élevée. Les taux appliqués, bien que légèrement en baisse au deuxième trimestre 2025 (4,68 % pour l’habitat), restent supérieurs aux revenus disponibles pour une large frange de la population.
Les banques, conscientes de cette tension, ont assoupli leurs conditions d’octroi, comme l’a relevé Bank Al-Maghrib au premier trimestre 2025. Mais ce mouvement pourrait avoir pour effet pervers de fragiliser davantage la solvabilité des emprunteurs.
Le financement participatif s’inscrit dans la stratégie de diversification financière portée par le gouvernement et les autorités monétaires. La loi-cadre relative à la réforme fiscale, adoptée en 2021, a prévu des mécanismes d’incitation pour stimuler l’émergence de produits participatifs, dans le but de mieux capter l’épargne nationale et de dynamiser le secteur du logement.
Toutefois, les résultats restent ambivalents. D’un côté, l’essor des encours traduit une réelle insertion de ces produits dans le système bancaire ; de l’autre, il souligne la dépendance persistante du marché immobilier à l’endettement, au détriment d’une politique globale de logement social et d’accès abordable. Le financement participatif apparaît alors comme un palliatif, plus que comme une réponse structurelle à la crise du logement.