Economie

Pourquoi cette rage contre la culture des avocatiers ?

Par Abdelaziz Rhezali(*)

La culture des avocatiers au Maroc a débuté il y a déjà une trentaine d’années. Cette culture, longtemps restée dans l’ombre, était considérée comme une filière de niche, peu attractive pour les investisseurs. Au cours des cinq dernières années, cette culture a suscité un engouement grandissant de la part des investisseurs. L’explication tient en une réalité simple : l’avocat est devenu une star des marchés mondiaux. En fait, ce produit représente désormais plus de 2 % de part de marché dans le secteur agricole et connaît une croissance qui dépasse les 7%. De plus, ce produit s’est intégré dans le régime alimentaire des populations à l’échelle mondiale, et sa consommation devrait continuer à croître en raison de sa richesse nutritionnelle.

La culture des avocatiers est une aubaine pour l’agriculture et l’agriculteur marocain. C’est une culture, qui constitue une forte valeur ajoutée pour l’économie agricole vu les bénéfices qu’elle génère. Souvent qualifiée d’« or vert », cette culture génère des bénéfices attractifs pour les investisseurs, ce qui a permis à la filière de capter des investissements directs étrangers – un atout pour l’économie nationale, qui mise sur l’attractivité des IDE.

En effet, un hectare d’avocatiers peut générer une marge nette d’environ 300 000 dirhams, sur la base d’un rendement projeté de 20 tonnes par hectare. Même si l’Etat a supprimé la subvention pour cette culture et malgré les fluctuations des prix qui ont oscillé l’année dernière entre 16 et 21dhs le kg, la rentabilité de cette culture attire encore l’appétit des investisseurs.

Les exportations de cette culture contribuent à équilibrer la balance commerciale agricole, qui est chroniquement déficitaire. De plus, l’activité de production des avocats génère de l’emploi et augmente le revenu des agriculteurs. Une classe moyenne pourra émerger dans les zones rurales grâce à la plantation des avocatiers. Toutefois, cette culture est critiquée par de nombreux détracteurs, qui la jugent trop gourmande en eau et potentiellement responsable d’un risque accru de pénurie hydrique dans le pays. D’autres sont encore allés plus loin en faisant une corrélation infondée entre les coupures d’eau dans la zone de Rabat et la culture des avocatiers.

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Une colère injustifiée

On croit que les avocatiers sont une malédiction qui a frappé le pays. Cette perception a alimenté une mauvaise propagande, au point que le gouvernement a décidé de supprimer les subventions accordées pour l’installation du système d’irrigation goutte à goutte destiné à la culture des avocatiers. Une décision politique infondée scientifiquement qui a suscité plusieurs questionnements chez les spécialistes de l’arboriculture.

Combien consomment réellement les avocatiers ? C’est la question qui devrait être posée avant de déclencher cette guerre atroce contre cette culture. Une étude menée par Steinhardt en 1991 a montré que les avocatiers ont besoin de 630 mm d’eau pour réaliser 95 % de leur potentiel de rendement. Un autre essai, conduit au Maroc dans le cadre d’une convention avec la société MCARE, a révélé que, en comptabilisant les besoins de lessivage de l’avocatier, cet arbre consomme 651mm d’eau par an. D’autre part, comment expliquer que l’avocatier pompe de l’eau des nappes phréatiques sachant que le système racinaire de cet arbre n’excède pas 30cm de profondeur. Aussi, on se demande sérieusement où sont les 1200mm/ha/an annoncés dans les médias et qui a déclenché cette colère au sein de la société.

D’autres sont allés plus loin, allant jusqu’à interpréter la culture des avocatiers comme un complot visant à affaiblir notre souveraineté alimentaire. Or, la majorité des investisseurs en avocatiers sont des marocains voulant investir et créer de l’emploi dans une optique gagnant-gagnant.

Un débat mal orienté autour des avocatiers

Cette vague de critiques sur les réseaux sociaux visant la culture des avocatiers n’est pas fondée. L’opinion publique s’est opposée à cette culture, partant du postulat qu’elle est trop consommatrice d’eau, dans un contexte national marqué par un déficit pluviométrique chronique peu favorable à ce type de culture.

Comparée à d’autres arbres fruitiers, la culture de l’avocatier affiche une consommation moyenne d’environ 600 mm d’eau par hectare et par an. En effet, le véritable débat devrait porter sur les méthodes à adopter pour optimiser la gestion de l’irrigation goutte à goutte, plutôt que de remettre en cause l’existence même d’une culture. L’avocatier ne saurait être tenu responsable de ces accusations infondées, d’autant plus que cette culture nécessite des quantités d’eau modérées.

À l’instar des autres arbres fruitiers, les besoins en eau des avocatiers s’intensifient lors des vagues de chaleur et diminuent durant les saisons froides. L’importance de cette culture dans le tissu agricole ne fait aucun doute, compte tenu de la valeur ajoutée qu’elle génère et des bénéfices qu’elle procure aux agriculteurs. Il est temps de repenser notre approche : comment garantir les ressources hydriques nécessaires à la pérennisation de ce type de culture à forte valeur ajoutée ? Aujourd’hui, ce sont les avocatiers qui sont pointés du doigt ; demain, ce pourrait être la tomate ou les agrumes. À ce rythme, c’est tout un savoir-faire agricole, patiemment construit depuis l’indépendance, qui risque d’être remis en cause. Je dis aujourd’hui : cessons de condamner les avocatiers et orientons plutôt le débat vers une gestion efficiente de l’irrigation, en tirant parti des nouvelles technologies et en formant les agriculteurs. Pensons également au dessalement de l’eau de mer et à la réutilisation des eaux usées, car le véritable enjeu à venir est le suivant : Comment garantir des ressources hydriques suffisantes pour pérenniser notre système agricole au Maroc ?

(*)Abdelaziz Rhezali, Expert agricole

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