la question de l’assiduité s’invite au débat
La récente polémique sur l’absence de plusieurs membres du gouvernement lors d’une séance de questions orales relance un débat ancien sur la qualité de la relation entre l’exécutif et le législatif. Derrière l’épisode médiatisé d’une députée lisant à haute voix les noms des ministres non présents, c’est une problématique de gouvernance, de redevabilité et d’efficacité institutionnelle qui ressurgit avec acuité.
L’absentéisme ministériel au Parlement ne constitue en soi ni une nouveauté, ni un fait isolé. Il s’agit d’un phénomène régulièrement dénoncé par les parlementaires eux-mêmes, toutes sensibilités confondues, parfois même dans les rangs de la majorité. L’exercice du contrôle parlementaire, notamment à travers les séances hebdomadaires de questions orales, se heurte souvent à une faible présence de membres du gouvernement, réduisant la portée du dialogue institutionnel entre les deux pouvoirs.
Mais le paradoxe est d’autant plus frappant que cette dénonciation intervient dans un parlement lui-même touché par l’absentéisme chronique de nombreux députés. Selon les dernières statistiques internes à la Chambre des représentants, à peine 58 % des élus assistent régulièrement à l’ensemble des sessions plénières, un chiffre qui descend encore lorsqu’il s’agit des commissions permanentes.
Ce double déficit de présence traduit une certaine banalisation de l’absentéisme politique et affaiblit l’un des fondements de la démocratie représentative : le principe de reddition des comptes.
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Si le règlement intérieur du Parlement prévoit que seuls les ministres dont le département est concerné par les questions à l’ordre du jour sont tenus d’être présents, l’esprit de cette disposition reste trop souvent interprété de manière restrictive. Le recours croissant à des arguments d’agenda ou à des déplacements officiels pour justifier ces absences finit par fragiliser le rôle de la Chambre comme instance de contrôle effectif de l’action gouvernementale.
Or, dans un contexte où les attentes sociales se cristallisent autour de dossiers sensibles — prix, emploi, sécheresse, santé publique — l’absence de réponse directe du gouvernement fragilise la crédibilité du débat politique. Le Parlement devient alors le théâtre de frustrations, de mise en scène et de tensions partisanes, plutôt qu’un espace de confrontation constructive des politiques publiques.
La crise de confiance sous-jacente entre les deux institutions appelle à une révision des pratiques. Au-delà des règlements, il devient urgent d’instaurer une nouvelle gouvernance des relations entre le Parlement et l’exécutif, fondée sur une planification concertée, une présence obligatoire pour les sujets d’intérêt général, et une culture renforcée de la redevabilité.
Plusieurs pistes sont évoquées dans les milieux institutionnels : la publication mensuelle du taux de présence des ministres aux séances parlementaires, la programmation annuelle conjointe des priorités de contrôle, ou encore la généralisation des questions thématiques et des auditions régulières. Autant d’outils susceptibles de renforcer la transparence, d’ancrer la responsabilité politique dans les faits et de limiter la dérive des discours purement symboliques.
Car au-delà des postures et des joutes verbales, c’est bien la qualité de la démocratie parlementaire qui est en jeu. Une démocratie qui repose non seulement sur le droit d’interpeller, mais aussi sur le devoir de répondre.