Bank Al-Maghrib dévoile sa feuille de route 2026-2027 sur le change, l’inflation et les TPE
Le Conseil de Bank Al-Maghrib a opté pour la continuité monétaire, tout en traçant des perspectives de transformation profonde du système financier. Réforme du régime de change, marché à terme, financement des TPE, digitalisation et finance verte structurent une vision graduelle et prospective.
La délibération du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) du 16 décembre 2025 a confirmé le maintien du taux directeur à son niveau actuel, une décision qui, loin d’être un simple statu quo, s’inscrit dans une trajectoire monétaire prudente visant à asseoir les fondations d’une croissance économique pérenne. Lors du point de presse subséquent, le Wali, Abdellatif Jouahri, a déployé une feuille de route stratégique exhaustive, articulant les impératifs de stabilité macroéconomique et les chantiers de modernisation structurelle du secteur financier national. Cette allocution a mis en lumière une série de réformes ambitieuses, allant de l’évolution du régime de change à l’encadrement des instruments financiers innovants.
L’une des pierres angulaires de cette stratégie réside dans la réforme graduelle du régime de change et la préparation du ciblage de l’inflation. Si le dirham demeure adossé à un panier de devises (60% l’euro, 40% le dollar), l’année 2026 sera consacrée à des exercices préparatoires en vue d’une transition vers une flexibilité accrue. L’introduction d’un régime de ciblage de l’inflation, prévue à titre pilote en 2027, témoigne de la volonté de la banque centrale d’adopter des mécanismes de politique monétaire plus sophistiqués, tout en conservant une capacité d’intervention pour préserver la valeur intrinsèque de la monnaie nationale.
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Parallèlement, le projet de marché à terme, longtemps entravé par des complexités réglementaires, a franchi une étape décisive. La clarification des prérogatives entre la Chambre de compensation, BAM et l’Autorité marocaine du marché des capitaux ouvre la voie à une phase opérationnelle, promettant de renforcer la profondeur du marché financier et d’offrir aux opérateurs économiques des instruments de couverture plus diversifiés.
Sur le plan de la régulation et de la gouvernance, Bank Al-Maghrib a réaffirmé sa stricte neutralité face aux discussions préliminaires concernant le dossier BNP Paribas–Holmarcom. Le Wali a souligné que toute conclusion d’opération impliquant un changement de contrôle nécessiterait un nouvel agrément, dont l’octroi est conditionné par un examen approfondi de la solidité du projet industriel et de la conformité aux règles prudentielles.
Cette position illustre l’engagement de l’institution à garantir la qualité des projets de long terme des repreneurs, au-delà du simple désengagement de capitaux étrangers. De même, l’encadrement des financements innovants a été précisé : ces opérations, impliquant des acteurs institutionnels majeurs, sont assimilées à un risque étatique pour la pondération prudentielle, sous réserve de garanties rigoureuses et de la sécurisation des flux, offrant ainsi un rendement généralement supérieur aux adjudications du Trésor.
Le financement des Très Petites Entreprises (TPE) demeure un défi majeur. Bien que les dispositifs publics aient soutenu environ 38 000 entreprises, dont une très large majorité de TPE, plus de 40% d’entre elles présentent des insuffisances structurelles qui compromettent leur bancabilité. Pour pallier cette problématique, BAM soutient activement le développement d’un scoring national s’appuyant sur le crédit bureau et l’intégration de solutions d’intelligence artificielle, visant à conférer une objectivité accrue aux décisions d’octroi de crédit.
Ce chantier est indissociable de la nécessité de renforcer l’inclusion financière et de réduire l’usage du cash, dont le volume demeure élevé. Le blocage, selon la banque centrale, est davantage lié à l’usage qu’à la technologie, d’où l’importance d’accélérer la digitalisation des paiements, notamment par l’utilisation des canaux mobiles pour la distribution des aides sociales, ce qui améliorerait la traçabilité des flux.
Enfin, l’approche de Bank Al-Maghrib se veut résolument holistique et prospective. L’institution a intégré les risques liés aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques dans son analyse macroéconomique, surveillant l’impact des décisions budgétaires de reconstruction sur les finances publiques. Cette démarche s’accompagne d’un plaidoyer pour un recours accru aux financements verts et l’intégration systématique des risques climatiques dans les décisions de financement des banques.

