Au Sahel, le Maroc trace sa voie pendant que l’Algérie s’enlise
Chaque nouveau rapport international confirme la réalité que le Royaume du Maroc construit, investit et dialogue, gagnant en légitimité, pendant que l’Algérie s’isole, accumule les revers et assiste à la montée en puissance de son voisin sans pouvoir infléchir le cours des événements.
Le Sahel illustre plus que jamais l’écart entre discours et réalité. Plusieurs rapports internationaux confirment que le Maroc, fort d’une stratégie pragmatique et tournée vers l’avenir, consolide une position déjà affirmée et s’impose comme un acteur incontournable. À l’inverse, l’Algérie voit son influence s’effriter sous le poids de l’isolement diplomatique et de l’échec de ses projets structurants.
En effet, le symbole le plus frappant de cette rivalité est sans doute le mégaprojet du gazoduc Afrique- Atlantique. Long de 5.660 kilomètres et estimé à 25 milliards de dollars, il devrait transporter chaque année entre 15 et 30 milliards de mètres cubes de gaz, selon Global Energy Monitor. Reliant Lagos à Tanger, puis à Cadix, il passera par 13 pays africains, ouvrant un corridor énergétique et économique inédit sur l’Atlantique. La décision finale est attendue pour fin 2025, mais déjà ce chantier positionne Rabat comme un futur hub énergétique régional. Face à cette initiative, le projet concurrent du gazoduc transsaharien Nigeria–Algérie a été tout simplement abandonné, jugé trop risqué dans des zones marquées par l’instabilité.
Dans la même logique, le Maroc a lancé en décembre 2023 l’Initiative Atlantique. Cette stratégie vise à offrir aux pays sahéliens enclavés – Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad – un accès aux ports marocains et à l’océan Atlantique. Portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, elle englobe les infrastructures, l’agriculture, l’énergie solaire, la formation et la santé. La Mauritanie a été intégrée à ce projet, confirmant un rapprochement qui isole davantage l’Algérie, selon une analyse publiée par « Middle east political and economic institute » le 1er juin 2025, intitulée « Morocco Competes with Algeria in the African Sahel ».
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Par ailleurs, d’après l’institut, ce basculement régional s’explique par la diplomatie marocaine, notamment la multiplication des ambassades, l’intensification des Visites Royales, les accords bilatéraux avec le Niger, le Mali ou encore la Mauritanie, sans oublier l’implantation d’acteurs économiques marocains comme Attijariwafa bank, Maroc Telecom et l’OCP en Afrique de l’Ouest. À cela s’ajoute l’expertise reconnue de Rabat en matière de lutte antiterroriste, qui séduit les États du G5 Sahel.
Diplomatie algérienne en panne
À l’inverse, l’Algérie accumule les revers. En avril dernier, l’armée algérienne a abattu un drone malien, un acte jugé agressif par l’Alliance des États du Sahel (AES). En représailles, le Mali a fermé son espace aérien aux avions algériens, suivi par le Niger, tandis que Bamako annonçait son retrait du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), longtemps symbole de la coopération sécuritaire avec Alger. Le Niger est allé plus loin en suspendant les études finales du gazoduc transsaharien, infligeant un coup dur à la « diplomatie » énergétique algérienne.
Parallèlement, l’isolement diplomatique s’est encore accentué avec le rappel des ambassadeurs du Niger, du Mali et du Burkina Faso. À cela s’ajoute un climat de tensions marqué par l’expulsion forcée de 20.000 migrants nigériens l’an dernier, ainsi que par les accusations du Mali, qui a reproché à Alger de diffuser une propagande terroriste devant le Conseil de sécurité de l’ONU en septembre 2024.
De plus, entre avril et mai 2025, Alger a expulsé 2.753 ressortissants nigériens dans des conditions dénoncées par l’ONG Alarme Phone Sahara. Ce comportement a provoqué une crise diplomatique ouverte avec Niamey, qui a convoqué l’ambassadeur algérien. Pendant ce temps, le commerce algéro-mauritanien, bien qu’en hausse avec 414 millions de dollars en 2023 contre 50 millions en 2018, reste marginal comparé à l’ampleur des projets marocains et ne compense pas le repli d’Alger dans le reste du Sahel.
Les analyses convergent toutes vers la même conclusion. Le Wilson Center a opposé la rigidité algérienne au pragmatisme marocain, dans son rapport intitulé « Maghreb Disunion : Morocco and Algeria’s Divergent Strategies in Shaping Future Regional Geopolitics » publié le 27 juin 2024. Le Crisis Group a mentionné dans son rapport « Managing Tensions between Algeria and Morocco », publié en novembre 2024, une érosion manifeste de l’influence d’Alger au profit de Rabat. De son côté, le Carnegie Endowment souligne, dans son rapport publié le 22 juillet 2025 « Economic Statecraft as Geopolitical Strategy: New Dimensions of Moroccan-Algerian Rivalry », que le Maroc utilise le commerce et l’énergie comme leviers de puissance, là où l’Algérie s’enferme dans une dépendance pétro-gazière. Enfin, le Middle East Institute for Policy and Economy, dans une étude publiée en juin 2025, a souligné que l’Algérie perdait ses cartes alors que le Maroc ouvre de nouveaux horizons, rappelant que Niamey, Bamako et Ouagadougou ont redéfini leurs alliances en se rapprochant de partenaires plus fiables.