Un réseau de spoliation dans le viseur du ministère
Le ministère de l’Intérieur a lancé une opération sans précédent pour contrer la dilapidation des biens communaux. Derrière ce scandale, des élus sont soupçonnés de complicité tandis que des promoteurs influents s’accaparent des terrains collectifs.
Une alerte secoue actuellement plusieurs communes marocaines. Selon des rapports confidentiels transmis au ministère de l’Intérieur relayés par les médias, un réseau organisé s’est spécialisé dans l’appropriation illégale de terrains appartenant aux collectivités locales. Derrière ces opérations apparaît la complicité présumée de certains présidents de conseils communaux et élus locaux. Ces derniers auraient facilité la mainmise de promoteurs immobiliers influents sur un patrimoine collectif évalué à plusieurs milliards de dirhams.
Face à cette situation, le ministre de l’Intérieur, M. Abdelouafi Laftit, a ordonné l’ouverture d’enquêtes approfondies. Toute personne soupçonnée de complicité ou d’abus de pouvoir sera convoquée, et les dossiers à caractère criminel seront transmis à la justice. La Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) a d’ailleurs commencé à bloquer plusieurs délibérations communales suspectes liées à la cession ou à la location de biens publics, considérées comme opaques et marquées par des irrégularités.
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De même, pour endiguer ce fléau, une vaste opération de recensement et de régularisation du patrimoine foncier communal a été lancée dans les grandes villes comme Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Tanger, Salé, Kénitra, Témara ou Benslimane. Ce chantier repose sur deux leviers : d’une part, la régularisation foncière, qui vise à inscrire les biens non titrés au registre national et à actualiser les titres existants ; d’autre part, la digitalisation du suivi grâce à l’Atlas cartographique, un système d’information géographique développé avec l’Agence Nationale de la Conservation Foncière. Selon l’agence, cet outil offre une traçabilité et une surveillance en temps réel en répertoriant la superficie, les titres et les affectations de chaque terrain.
Parallèlement, le ministère s’appuie sur un nouveau cadre légal relatif aux biens communaux. Ce texte impose désormais la concurrence comme principe pour toute cession ou location, encadre les occupations temporaires et oblige les communes à mettre à jour régulièrement leurs registres de patrimoine. Les prix de départ des enchères publiques doivent être fixés en toute transparence, afin d’éviter les arrangements en coulisse.
Outre la lutte contre la corruption, l’objectif du ministère est de faire du patrimoine communal un levier stratégique de développement territorial. Dans un contexte marqué par une urbanisation rapide et une forte pression démographique, ces terrains constituent un capital crucial pour la création d’infrastructures publiques, de zones économiques et d’équipements sociaux. Leur dilapidation n’est plus tolérée. Le ministère affirme sa volonté de rompre avec des pratiques anciennes où ces biens collectifs servaient trop souvent d’instrument de clientélisme politique et économique.