Economie

Des soubresauts et de la résilience dans le secteur, selon Bank Al-Maghrib

Porté par des politiques publiques ambitieuses mais confronté à des crises successives, le bâtiment et travaux publics (BTP) demeure un moteur essentiel de l’économie marocaine, selon Bank Al-Maghrib. La banque centrale note que le secteur poursuit une trajectoire contrastée, mais reste un moteur à haut rendement d’investissement.

L’édification du Maroc contemporain s’est en partie jouée dans ses chantiers. Depuis le début des années 2000, le secteur du BTP a constitué l’un des leviers privilégiés de la croissance nationale, participant à l’effort d’investissement, à la création de valeur ajoutée et à la structuration de filières industrielles connexes. Il a également absorbé une part importante de la main-d’œuvre peu qualifiée, jouant un rôle social de premier plan. Toutefois, l’évolution du secteur sur la période 2000–2024, telle que retracée dans le Rapport annuel 2024 de Bank Al-Maghrib, fait apparaître une dynamique marquée par des cycles contrastés et des chocs exogènes d’ampleur variable.

La première phase, allant de 2000 à 2007, s’apparente à un âge d’or pour le BTP. Durant ces années, la valeur ajoutée du secteur a progressé à un rythme soutenu de 7 % en moyenne annuelle, tandis que quelque 35 000 emplois étaient générés chaque année. Cette dynamique s’explique, selon Bank Al-Maghrib, par l’activation d’un vaste programme de mise à niveau des infrastructures (autoroutes, ports, équipements urbains), mais aussi par la montée en puissance des politiques de soutien au logement. À cet égard, la loi de finances 1999/2000 a introduit un premier dispositif structurant en faveur du logement social, réaménagé à plusieurs reprises, en parallèle avec les programmes « Villes sans bidonvilles » et « Villes nouvelles ».

Le bâtiment résidentiel a servi de catalyseur à cette phase d’expansion, dopant la demande sur l’ensemble de la chaîne de valeur : cimenteries, entreprises de gros œuvre, bureaux d’étude et métiers techniques.

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Un essoufflement progressif face à la saturation

Entre 2008 et 2019, le secteur entre dans une phase d’essoufflement. La croissance moyenne de sa valeur ajoutée tombe à 2,7 % par an, et les créations d’emplois chutent à 17 000 unités annuelles. Cette atonie, analysée par Bank Al-Maghrib dans son chapitre sectoriel consacré à l’investissement productif, reflète principalement le ralentissement de l’activité dans le résidentiel. L’offre dépasse la demande dans plusieurs segments, particulièrement dans les zones urbaines à faible pouvoir d’achat. S’ajoutent à cela des lenteurs administratives persistantes dans l’octroi des autorisations et un manque de réforme structurelle dans la régulation foncière.

La décennie suivante, entamée en 2020, a brutalement mis à l’épreuve la résilience du secteur. L’année 2020 est marquée par une contraction de 4,1 % de la valeur ajoutée du BTP, sous l’effet de la pandémie de Covid-19 et des arrêts de chantiers imposés par le confinement. La reprise, amorcée timidement en 2021, a été immédiatement fragilisée par la guerre en Ukraine. La flambée des prix de l’énergie s’est répercutée sur les coûts des matériaux (acier, ciment, transport), provoquant une nouvelle baisse de l’activité de 3,7 % en 2022. En 2023, le redressement reste modeste (+0,3 %), malgré des efforts publics de relance. L’emploi dans le secteur est resté volatil, avec une moyenne de 20 000 postes créés par an, mais des écarts significatifs entre les trimestres.

Bank Al-Maghrib souligne que ces fluctuations ont pesé sur la contribution du BTP à la stabilité de l’emploi, alors même que le secteur est censé offrir une réponse immédiate aux besoins de relance cyclique.

Une embellie en 2024, stimulée par les grands chantiers

L’année 2024 marque un tournant, avec une reprise vigoureuse saluée par Bank Al-Maghrib dans son rapport annuel. La valeur ajoutée du secteur a bondi de 5 %, soutenue par un regain de projets d’infrastructure stratégique, liés à la préparation de grands événements internationaux et à la transition climatique. L’accélération a été progressive : +2,5 % au premier trimestre, atteignant +7 % au quatrième. Trois facteurs explicatifs dominent : le lancement du programme de reconstruction des zones sinistrées par le séisme d’Al Haouz, la montée en charge de projets de dessalement et de résilience climatique, et, enfin, la mise en œuvre dès janvier 2024, sur Hautes Instructions Royales, du programme d’aide directe au logement.

Malgré cette embellie, le redémarrage de l’emploi reste timide, avec seulement 13 000 postes créés sur l’année. Un chiffre que Bank Al-Maghrib attribue à une transition vers des chantiers à plus forte intensité capitalistique, et à la lente reprise des projets privés.

Sur l’ensemble de la période 2000–2024, le secteur du BTP a enregistré une croissance moyenne de 3,4 % et généré annuellement 23 000 emplois. Sa part dans le PIB est passée de 4,3 % à 5,6 %, et son poids dans l’emploi total de 7,4 % à 11,6 %. Ces chiffres traduisent un rôle accru du BTP dans la structuration du tissu économique national. Bank Al-Maghrib insiste sur le fait que l’effet multiplicateur du secteur est particulièrement élevé : chaque dirham investi dans le BTP génère 2,47 dirhams de production globale, contre 1,77 pour l’agriculture et 1,68 pour le commerce de gros.

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