simple geste logistique ou message diplomatique ?
Le retrait discret du pavillon espagnol sur les rochers d’Isla de Tierra et d’Isla de Mar, au large d’Al Hoceima, relance les interrogations sur les intentions réelles de Madrid. Ce geste, non accompagné d’explication officielle, intervient dans un contexte régional marqué par de profondes recompositions diplomatiques.
Sans préavis ni déclaration, les autorités espagnoles ont récemment fait abaisser leur drapeau sur les îlots d’Isla de Tierra et d’Isla de Mar, deux formations rocheuses quasi invisibles sur la carte mais symboliquement sensibles. Situées à quelques encablures de la côte marocaine, face à la province d’Al Hoceima, ces îles demeurent sous souveraineté espagnole depuis des décennies, en dépit de leur proximité avec le territoire marocain.
Le geste, passé presque inaperçu dans les médias espagnols comme marocains, n’a donné lieu à aucun communiqué officiel de la Moncloa ni du ministère espagnol des Affaires étrangères. Rabat, de son côté, n’a pas réagi non plus. Cette absence de discours officiel a aussitôt alimenté les spéculations, dans un climat régional où chaque signal, même discret, peut prendre une dimension géopolitique.
Le précédent le plus marquant remonte à juillet 2002, lorsque des soldats marocains avaient temporairement occupé l’île de Leïla (appelée Perejil par les Espagnols), avant qu’une opération militaire espagnole ne reprenne le contrôle de l’îlot. Cet épisode, qualifié de crise diplomatique, avait nécessité l’intervention directe de Washington pour éviter une escalade.
Si la situation actuelle ne présente pas les mêmes signes d’hostilité, la comparaison est inévitable. La seule différence notable est le silence qui entoure aujourd’hui l’action espagnole, contrairement à la couverture médiatique et aux réactions officielles qui avaient marqué la crise de 2002.
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Contexte tendu mais stratégique dans les relations bilatérales
Cette décision intervient alors que les relations entre le Maroc et l’Espagne connaissent une phase faste de leur relation, après plusieurs turbulences : la crise migratoire de Ceuta en 2021, l’accueil du chef du Polisario Brahim Ghali en Espagne sans en informer Rabat, et le dossier du Sahara.
Depuis, l’Espagne a évolué vers une reconnaissance implicite du plan d’autonomie marocain, ce qui a partiellement rétabli la confiance entre les deux capitales. Dans ce contexte de réchauffement contrôlé, le retrait du drapeau pourrait être interprété comme un signal de bonne volonté ou un test discret de la réaction marocaine.
Certains analystes privilégient l’hypothèse d’un acte purement technique, lié à l’entretien du site ou à une réorganisation administrative des possessions espagnoles sur la côte nord-africaine. D’autres y voient un signe plus profond, possiblement lié aux équilibres post-Ceuta, ou à la volonté de Madrid de désamorcer certaines tensions symboliques.