Safaa Elaabbassi : “Comprendre le cerveau managérial africain conduit à des performances durables”
Safaa Elaabbassi
Psychologue clinicienne
Pour les dirigeants politiques et économiques africains, la quête de la durabilité ne se manifeste pas uniquement dans le domaine environnemental. Elle l’est aussi sur le plan psychologique pour une meilleure conduite des affaires. Dans cette interview, la psychologue clinicienne Safaa Elaabbassi décortique ce lien.
Dans un contexte environnemental marqué par des évolutions multiples. On parle souvent de la nécessité d’un «cerveau managérial africain» pour relever ces défis. En quoi cela consiste-t-il ?
Le terme «cerveau managérial africain» désigne l’ensemble des mécanismes cognitifs, émotionnels et culturels qui structurent la manière dont un dirigeant analyse la complexité, gère la pression, prend des décisions et conduit ses équipes. Un manager développe ainsi un véritable cerveau managérial : une compétence intellectuelle, émotionnelle et stratégique unique, qui le distingue des autres profils et lui permet d’agir avec lucidité, agilité et vision, même dans des environnements changeants.
Aujourd’hui, les dirigeants africains évoluent dans un marché qui s’ouvre davantage au monde, où les entreprises connaissent une progression remarquable, notamment en Afrique francophone. Comprendre cette cadence économique et la spécificité du fonctionnement managérial africain devient essentiel pour accompagner durablement leur performance.
Dans ce contexte, l’héritage culturel africain – rapport au collectif, sens de la responsabilité, richesse relationnelle – constitue un atout important. L’enjeu actuel n’est donc pas de rompre avec cette culture, mais d’y intégrer une approche de management fondée sur la science, les neurosciences et la compréhension précise du fonctionnement du cerveau.
Quelles sont, selon vous, les best practices appliquées dans le contexte africain en termes de management ?
Dans le contexte africain, les best practices managériales s’appuient avant tout sur la combinaison entre les forces culturelles du continent et les approches scientifiques modernes. Parmi les pratiques les plus efficaces, on trouve la capacité des dirigeants à maintenir un leadership de proximité, basé sur le sens du collectif, la communication relationnelle et la compréhension des dynamiques humaines.
Ce leadership devient encore plus puissant lorsqu’il est combiné avec des méthodes structurées : intégration de la psychologie d’affaires, gestion intelligente du stress organisationnel, encadrement des équipes à travers la clarté des rôles, et adoption d’une posture managériale fondée sur la lucidité, la régulation émotionnelle et l’anticipation.
Le recours à des outils scientifiques, à des diagnostics réguliers, à la formation continue et à des recrutements mieux encadrés représente également une best practice centrale. Cela permet aux entreprises africaines de tirer parti de leur agilité naturelle tout en s’alignant sur les standards internationaux.
Comment la psychologie d’affaires peut-elle aider les entreprises africaines à moderniser leur culture interne ?
La psychologie d’affaires apporte aux entreprises africaines un cadre scientifique qui permet de moderniser leur culture interne sans rompre avec leurs repères culturels. Elle aide d’abord à comprendre comment les individus fonctionnent réellement, et elle aide également à moderniser les pratiques managériales en introduisant des outils issus des neurosciences, de la psychologie clinique et de la psychologie organisationnelle : régulation émotionnelle, communication stratégique, prévention de l’épuisement, prise de décision éclairée, management fondé sur la sécurité psychologique.
Cette approche permet aux entreprises africaines d’évoluer vers un management contemporain, agile et humain, tout en respectant leurs valeurs et leurs dynamiques sociales profondes. C’est précisément ce mélange entre science, culture et stratégie qui offre aux organisations africaines une modernisation efficace et durable.
Pourquoi estimez-vous que la santé mentale doit devenir une priorité stratégique pour les grandes entreprises africaines ?
En tant que psychologue clinicienne à la base, je comprends parfaitement les enjeux mentaux et le poids que le travail exerce sur le cerveau. L’OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social : sans ces trois dimensions réunies, on ne peut ni avancer, ni innover, ni être réellement créatif.
C’est pour cela que la santé mentale doit devenir une priorité stratégique pour les entreprises africaines : elle conditionne directement la performance économique, la stabilité interne et la capacité d’innovation. Un cerveau fatigué, déséquilibré ou submergé est incapable d’innover, d’organiser ou de soutenir la pression sur le long terme.
Pendant longtemps, beaucoup d’entreprises pensaient que le bien-être de leurs équipes ne les concernait pas. Cette croyance disparaît aujourd’hui, car la réalité est simple : faire de la santé mentale une priorité n’est pas un luxe, mais un investissement économique. Une équipe qui va bien travaille mieux, décide mieux et innove davantage. C’est cette lucidité collective qui permet aux organisations africaines de rester compétitives, stables et capables de progresser durablement.
En quoi la psychologie d’affaires représente-t-elle une opportunité stratégique pour l’Afrique francophone ?
La psychologie d’affaires représente aujourd’hui une véritable opportunité stratégique pour l’Afrique francophone, car elle apporte un cadre scientifique moderne qui répond directement aux besoins réels des entreprises du continent. Les organisations sont confrontées à des enjeux complexes : pression économique, transformation rapide des marchés, ouverture internationale, instabilité sectorielle et exigences de performance de plus en plus élevées.
Dans ce contexte, la psychologie d’affaires permet aux dirigeants et aux équipes de devenir plus solides, plus compétitives et mieux préparées à suivre le rythme économique du continent, tout en préservant l’équilibre mental et la performance à long terme des équipes.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO

