Economie

Un coût environnemental estimé à 260 millions de dollars par an

Le littoral marocain, véritable colonne vertébrale économique du Royaume, fait face à des pressions environnementales croissantes. Entre dérèglements climatiques, urbanisation accélérée et fragilité des écosystèmes, l’enjeu est désormais d’allier développement durable, gouvernance unifiée et valorisation responsable des ressources maritimes pour en faire un levier stratégique de croissance nationale.

Le littoral marocain, qui s’étend sur plus de 3 500 kilomètres le long de l’Atlantique et de la Méditerranée, est bien plus qu’une simple frontière géographique. C’est une interface vitale où se concentrent les espoirs de développement du Royaume, mais aussi les menaces les plus pressantes de notre époque. Face à l’accélération des dérèglements climatiques et à une pression humaine croissante, l’appel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à transformer cette façade maritime en un pilier du développement durable a marqué un tournant, marquant la fin de l’inaction. L’enjeu est de taille : concilier une croissance économique rapide avec la protection d’un écosystème stratégique et fragile.

L’importance économique du littoral est considérable. Cette bande côtière concentre à elle seule près de 85 % de l’activité économique nationale directe ou indirecte. Selon la Banque mondiale, les zones côtières abritent 81 % des industries du pays, génèrent 59 % de son produit intérieur brut (PIB) et fournissent 52 % des emplois. Dans ce contexte, le concept d’« économie bleue » prend tout son sens, représentant un potentiel de croissance considérable. Une étude récente menée avec la Banque mondiale évalue sa contribution actuelle à 3,8 % du PIB et 4,6 % de l’emploi total, une part restée stable au cours de la dernière décennie. Cependant, cette manne économique repose sur un équilibre de plus en plus précaire.

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Les menaces environnementales ne sont plus des projections lointaines mais une réalité tangible. L’érosion côtière réduit progressivement le littoral, atteignant jusqu’à 1,5 mètre par an dans certaines régions. La montée du niveau de la mer, estimée à 3,2 millimètres par an, transforme lentement mais sûrement le paysage et fragilise les infrastructures, selon la Banque mondiale. À cela s’ajoutent une urbanisation galopante, avec 60 % de la population et 90 % des unités industrielles concentrées sur la côte, et une pollution persistante due aux rejets d’eaux usées et à l’accumulation de déchets plastiques. Cette dégradation a un coût : la Banque mondiale estime que la détérioration de l’environnement côtier coûte au Maroc 260 millions de dollars par an, soit 0,27 % de son PIB.

Un cadre légal robuste face au défi de la mise en œuvre

Pour contrer ces dérives, le Maroc s’est doté d’un arsenal juridique ambitieux. Adoptée en 2015, la loi 81-12 sur le littoral constitue la pierre angulaire de cette politique. Elle vise à préserver les équilibres écologiques, à lutter contre la pollution et à garantir le libre accès au rivage. Parmi ses mesures phares, elle institue une zone non constructible de 100 mètres le long de la côte et une zone de retrait de 2 000 mètres pour les infrastructures de transport. Complétée par le Plan National du Littoral, cette loi s’inspire des principes de la gestion intégrée des zones côtières promus à l’échelle internationale.

Cependant, l’efficacité de ces outils se heurte à un obstacle majeur : la fragmentation de la gouvernance. Selon les experts, plus d’une quinzaine d’institutions interviennent sur le littoral, créant un écheveau administratif complexe où les décisions se superposent et parfois se contredisent. Cette dispersion des responsabilités entrave une planification durable et expose le littoral aux pressions foncières et aux projets déconnectés des réalités écologiques.

Le défi pour le Maroc est de dépasser le stade des slogans pour faire de l’économie bleue une réalité qui régénère les ressources, crée des emplois durables et protège les communautés locales. Le succès ne se mesurera pas seulement en points de PIB, mais aussi dans la capacité à inclure les pêcheurs, les artisans et les populations côtières dans ce développement. Des initiatives locales, comme le projet de tourisme communautaire de Tafedna, près d’Essaouira, montrent qu’un modèle alliant innovation, gouvernance locale et valorisation durable est possible.

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