OPCI au Maroc : 2020–2025
Par Noreddine Tahiri*
Au Maroc, la dynamique des OPCI (Organismes de Placement Collectif Immobilier) a été forte entre août 2020 et juillet 2025 : un marché parti de 3,5 milliards de dirhams à fin août 2020 pour atteindre 107 milliards de dirhams à fin juillet 2025. Une évolution remarquable, mais contrastée selon les périodes. Elle pose aujourd’hui une question de fond.
Où en est-on et d’où part-on ?
Les OPCI sont des outils d’investissement immobiliers qui ont été mis en place pour répondre à un besoin de structuration et de professionnalisation de l’investissement immobilier au Maroc. Dès leur mise en place, l’activité a bénéficié d’un large engouement. Le premier OPCI de l’histoire du Maroc a été agréé le 12 décembre 2019 (moins de 4 ans seulement après le vote de la loi 70-14 portant sur les OPCI). Le deuxième OPCI a été agréé quinze jours seulement après, soit le 27 décembre 2019. Deux autres véhicules ont suivi au premier semestre 2020.
Cela ne fait donc que cinq ans et demi environ que l’activité des OPCI a réellement débuté. Le présent article a pour objectif de présenter l’évolution de la taille du marché des OPCI durant la période allant d’août 2020 à fin juillet 2025.
Evolution des OPCI : les chiffres parlent
Sur cette période, l’actif net des OPCI est passé de 3,5 milliards de dirhams à 107 milliards de dirhams. Il a été multiplié par 31.
Cette montée en puissance se traduit par un doublement de la taille du marché chaque année.
Par ailleurs, sur la même période, le marché a enregistré une levée de fonds moyenne de près de 21 milliards de dirhams par an, soit près de 1,7 milliard de dirhams par mois en moyenne.
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Pris dans leur globalité, ces ordres de grandeur racontent une histoire simple : sur cette période, les OPCI sont passés d’un marché naissant à un marché d’échelle.
En l’espace de 5 ans seulement, le marché dispose d’une base d’actifs dépassant désormais la taille critique et plaçant cette activité à une place significative au sein de l’épargne collective.
Evolution de l’activité des OPCI : Août 2020- juillet 2025
Une trajectoire qui n’a pas été linéaire
Derrière le chiffre spectaculaire de 107 milliards de dirhams à fin juillet 2025, le chemin n’a pas été rectiligne.
La période allant d’août 2020 à juillet 2021 a été celle du décollage, avec une hausse de 109 % de l’actif net : l’effet “rattrapage” d’un marché qui s’organise et attire ses premiers flux.
La période allant d’août 2021 à juillet 2022 a marqué le vrai “grand bond”, avec +352 % : l’écosystème s’étoffe, les opérations s’enchaînent, la classe d’actifs s’installe.
Pour la troisième période allant d’août 2022 à juillet 2023, la croissance est restée très soutenue, +91 %, mais commence déjà à refléter un rythme plus normalisé.
Vient ensuite la quatrième période allant d’août 2023 à juillet 2024. La progression est retombée à +17 %. Puis entre août 2024 et juillet 2025, la progression est remontée à +25 %.
Vu de loin, ces deux dernières périodes peuvent laisser croire à un essoufflement. Pourtant, si l’on met ces chiffres en perspective, l’évolution annuelle moyenne de l’actif net des OPCI sur les deux dernières périodes (21 %) est équivalente à celle observée sur la même fenêtre temporelle du côté des OPCVM (20 %). Autrement dit, la trajectoire de l’activité des OPCI a ralenti, mais elle n’a pas décroché : le marché est passé d’une phase d’expansion accélérée à une phase de croissance installée.
Deux temps, deux dynamiques : la place des OPCI face aux OPCVM

Part relative des OPCI par rapport aux OPCVM
La comparaison avec les OPCVM (Les OPCVM existent depuis presque 27 ans) éclaire ce passage d’un mode “accélération” à un mode “régime de croisière”. Au début de la période allant d’août 2020 à avril 2023, l’actif des OPCI est parti de quasi-zéro et a progressé en gagnant du terrain sur les OPCVM, jusqu’à représenter près de 12 % de l’actif net des OPCVM vers la fin de cette première période. Cette montée en puissance s’explique par la jeunesse du dispositif et par l’alignement d’acteurs qui structurent l’offre.
À partir d’avril 2023 et jusqu’à juillet 2025, la dynamique change de nature : l’activité des OPCI s’installe sur un palier. Elle représente en moyenne près de 14 % de celle des OPCVM, ce qui traduit une stabilisation de leur place relative.
La lecture est claire : avant avril 2023, une phase d’ascension rapide ; après avril 2023, une phase de stabilisation à un niveau moyen proche de 14 %. Ce “deux temps” confirme que le marché a quitté l’orbite du lancement pour entrer dans une maturité opérationnelle.
La vraie question du moment
À ce stade, une question demeure : « est-ce que cette dynamique est soutenable dans la durée ? » Cette interrogation renvoie notamment aux aspects fiscaux liés aux OPCI et plus précisément aux changements qu’a connu la fiscalité des dividendes versés par les OPCI aux investisseurs. Répondre à cette question exige une analyse plus fine, qui dépasse le cadre de cet article. Nous nous en tenons ici au constat factuel : une montée en puissance spectaculaire, suivie d’une stabilisation relative, et un enjeu de soutenabilité qui reste ouvert.
*Gérant Aegis Partners

