Les premières Assises nationales de la publicité jettent les bases d’un nouveau modèle marocain
Les premières Assises nationales de la publicité se sont tenues le 8 octobre 2025 à Casablanca, sous l’initiative du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication. Cet événement, placé sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a réuni les principaux acteurs du secteur, des représentants institutionnels, des opérateurs économiques et des experts afin d’établir un diagnostic global du marché publicitaire marocain et d’envisager ses perspectives d’évolution.
Les premières assises nationales de la publicité sous le thème « Etat des lieux et perspectives » interviennent dans un contexte marqué par la transformation rapide des écosystèmes de communication à l’échelle mondiale. En effet, les échanges ont porté sur la structuration du marché publicitaire national, la révision du cadre juridique, fiscal et technologique, ainsi que sur les enjeux liés à la gouvernance, à la souveraineté numérique et à la protection du consommateur.
Lors de son intervention, M. Mohammed Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a souligné que « l’image et l’économie forment aujourd’hui un binôme essentiel dans un monde de concurrence accélérée ». Il a rappelé que la publicité représente à la fois un levier économique, un champ de créativité et une source de financement pour les médias nationaux.
Le ministre a indiqué que les industries culturelles et créatives (ICC) contribuent désormais à hauteur de 2,7 % du PIB, contre 2,4 % en 2020, et qu’elles génèrent 140 000 emplois directs au Maroc. De plus, il a affirmé que l’objectif est de porter cette contribution à 5 % du PIB d’ici 2030, affirmant que cette ambition repose sur « le potentiel de la jeunesse marocaine » et sur la richesse créative des opérateurs économiques nationaux.
Dans ce sens, M. Mohammed Mehdi Bensaid a ajouté que la publicité, au-delà de sa dimension économique, « constitue un pilier essentiel pour financer des médias libres et indépendants, nécessaires à toute souveraineté nationale ». Il a insisté sur l’importance d’un secteur publicitaire fort et autonome pour « rééquilibrer les rapports économiques avec les grandes multinationales et rediriger une partie des flux financiers vers les entrepreneurs marocains ». Selon lui, le Maroc doit renforcer sa place dans les industries culturelles mondiales en valorisant ses propres contenus et en limitant la dépendance aux flux créatifs extérieurs.
De son côté, Latifa Akharbach, présidente de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), a expliqué que la rapidité des transformations de l’écosystème de communication mondial pose des défis majeurs au Maroc. Elle a indiqué que ces assises représentent « une occasion de repenser le rôle de la publicité dans le développement du secteur médiatique national et dans la consolidation des capacités de communication du pays ».
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Trois priorités pour repenser le rôle de la publicité au Maroc
En outre, la présidente de la HACA a proposé trois axes de réflexion prioritaires. Le premier concerne « la promotion de l’éthique du discours publicitaire », considérant que la publicité est aussi un message adressé au citoyen et qu’elle participe à la construction des représentations sociales. Le second axe porte sur « la gouvernance économique et la compétitivité du marché publicitaire », à travers la mise en place de mécanismes garantissant la transparence, la diversité linguistique et culturelle, ainsi que l’équité territoriale. Le troisième axe touche à « la régulation du numérique », en lien avec la nécessité de protéger le citoyen marocain des dérives potentielles de la publicité digitale, tout en préservant un modèle fondé sur la liberté et l’innovation.
De même, Latifa Akharbach a précisé que le développement du modèle publicitaire marocain doit permettre de « réduire les effets de concentration des grandes plateformes internationales et de protéger la souveraineté médiatique nationale ». Elle a rappelé que la HACA plaide pour « un environnement publicitaire sécurisé, libre et conforme aux principes des droits humains et de la démocratie ».
Par ailleurs, dans son intervention lors de ce rassemblement, le représentant de M. Fouzi Lekjaa, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances chargé du budget, a insisté sur la dimension économique et technologique de la publicité. Il a observé que les grandes plateformes mondiales captent aujourd’hui plus de 80 % des recettes publicitaires générées au Maroc, ce qui accentue un déséquilibre entre acteurs locaux et internationaux. Ce phénomène, selon lui, « fragilise les médias nationaux » et limite leur capacité à remplir leurs missions économiques, sociales et culturelles.
Il a également souligné que la dépendance technologique se manifeste par la domination d’outils étrangers de mesure d’audience, de monétisation et d’analyse des données. Parallèlement, le représentant du ministre du budget a mis en avant la nécessité de « développer des infrastructures locales de mesure et de traitement des données » pour renforcer la souveraineté numérique du pays et garantir un cadre fiscal et réglementaire adapté aux réalités du marché numérique.
Dans cette perspective, il a indiqué que la publicité doit être envisagée « comme une industrie stratégique à la croisée de la création, de la technologie et de la souveraineté nationale ». Il a ajouté qu’un marché publicitaire régulé, transparent et équitable peut contribuer davantage au financement des politiques publiques, tout en consolidant la position du Maroc comme pôle régional de communication et des médias.
Les débats ont également porté sur la réorganisation du cadre juridique, actuellement morcelé, et sur la mise en place d’outils nationaux de mesure d’audience et d’évaluation des performances publicitaires. Par ailleurs, les participants ont mis en avant l’importance d’une gouvernance partagée et de la création de mécanismes favorisant l’inclusion des très petites et moyennes entreprises, des jeunes talents et des femmes dans la chaîne de valeur.