Le marché marocain de la monétique en pleine mutation
Le Maroc connaît une transformation majeure de son système de paiement électronique. Face aux défis liés à la généralisation des transactions numériques et à l’adoption par la population, le pays s’engage dans une modernisation ambitieuse de son infrastructure monétique, tout en visant à aligner ses services sur les standards internationaux et à renforcer l’efficacité de son économie digitale.
Le Centre Monétique Interbancaire (CMI) a organisé, jeudi 18 septembre à Casablanca, une rencontre qui a réuni les principaux acteurs du secteur bancaire, des établissements de paiement, des partenaires technologiques et des représentants institutionnels pour dresser un état des lieux du marché de la monétique au Maroc. L’événement a été l’occasion de présenter les évolutions récentes, de rappeler les principaux indicateurs et de soulever les défis persistants liés à l’usage des moyens de paiement électronique.
Les chiffres présentés par le directeur général du Centre Monétique Interbancaire (CMI), Rachid Saihi, témoignent de l’ampleur de cette dynamique. L’activité de paiement électronique au Maroc, à septembre 2025, se caractérise par la présence de 23,4 millions de cartes, dont 2,8 à 3 millions sont utilisées chaque mois. De plus, le volume mensuel des transactions électroniques est estimé entre 8,5 et 9 milliards de dirhams, réalisé avec 67% de cartes locales et 33% de cartes étrangères. En moyenne, 21 millions de transactions sont effectuées par mois et chaque carte effectue environ 11 opérations par an.
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Cette mutation, inscrite dans la stratégie digitale nationale à l’horizon 2030, a pour objectif de renforcer la compétitivité du marché marocain de la monétique et d’accompagner la transition vers une économie plus digitalisée.
Par ailleurs, la plateforme “Fatorati” s’impose comme un levier essentiel de la digitalisation des paiements. Elle a enregistré 220 millions d’opérations pour un montant de 193 milliards de dirhams, dont 73 % consacrés au règlement des fonds publics, tels que les impôts et les factures de services essentiels (électricité, eau, télécommunications).
Cependant, le CMI estime à environ 3 millions le nombre de cartes bancaires actives, avec un taux d’utilisation pour le paiement de seulement 12 %. De plus, quatre retraits sur cinq sont effectués uniquement pour obtenir de l’espèce, confirmant que la carte est encore perçue principalement comme un outil d’accès à l’espèce, plutôt qu’un moyen de paiement pour les achats quotidiens. Selon Rachid Saihi, cette préférence persistante pour l’argent liquide freine la transition vers une économie sans cash, jugée pourtant plus moderne, sécurisée et efficiente.
Face à cette situation, les responsables du CMI insistent sur la nécessité de transformer les comportements des consommateurs et d’encourager la diversification des usages. La généralisation du paiement sans contact, déjà présent dans 75 % des transactions, et le développement des paiements via smartphones et objets connectés apparaissent comme des solutions d’avenir. Mais une question centrale demeure : les Marocains sont-ils prêts à franchir le pas et à intégrer ces outils numériques dans leur quotidien ?
Sur le plan international, le Maroc conserve un rôle pionnier en Afrique. Il fut l’un des premiers pays du continent à introduire la technologie sans contact en 2015. Aujourd’hui, deux tiers des transactions électroniques sont effectués par des cartes marocaines, alors qu’à la fin des années 1990, 80 % provenaient de cartes étrangères. Cette évolution illustre une appropriation croissante par les usagers locaux, tout en confirmant la capacité du Royaume à jouer un rôle moteur dans l’innovation financière régionale.
Pour l’avenir, le défi est de consolider ces acquis, de renforcer la confiance des usagers et d’élargir l’inclusion financière. Si les infrastructures sont déjà solides – avec plus de 90 millions d’euros investis chaque année pour moderniser les technologies et renforcer la sécurité des systèmes- la véritable équation à résoudre reste celle de l’usage. C’est sur cette capacité à réduire la dépendance au cash et à élargir l’accès à des services financiers modernes que se jouera l’avenir de la monétique marocaine.