Un tremplin inachevé pour les femmes en politique
Malgré les quotas, les femmes peinent à transformer leur présence parlementaire en pouvoir réel. Dans les circonscriptions locales, elles se heurtent aux partis, aux pressions financières et aux normes sociales, révélant que la parité politique au Royaume reste largement formelle et que l’égalité des chances demeure un défi concret.
Près d’un quart de siècle après sa mise en place, le système des quotas féminins au Maroc a certes permis d’accroître la présence des femmes au Parlement, mais peine à créer de véritables élites capables de s’imposer dans les circonscriptions locales. Une récente étude publiée dans « Lectures scientifiques en recherches et études », du laboratoire de droit public et droits de l’Homme de l’Université Hassan II de Casablanca, met en lumière les limites d’un dispositif davantage formel que transformateur.
Instauré en 2002, le quota féminin constituait un tournant historique. Pour la première fois, un mécanisme électoral assurait aux femmes un accès garanti à la Chambre des représentants, via une liste nationale dédiée. Résultat immédiat : 35 députées entrent au Parlement. Depuis, leur nombre n’a cessé de croître, atteignant 96 en 2021.
Pourtant, cette progression repose quasi exclusivement sur le quota. Dans les circonscriptions locales, le nombre de femmes élues reste marginal : dix en 2016, six en 2021, un niveau similaire à celui de 2002. Après plus de vingt ans, la discrimination positive n’a donc pas réussi à transformer durablement la participation politique féminine.
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L’étude souligne que le problème ne réside pas seulement dans le quota lui-même, mais dans le fonctionnement global du système politique et des partis. Si le mécanisme a rempli sa « fonction arithmétique », il n’a pas ouvert la voie à des parcours parlementaires durables.
Un facteur central est la loi organique sur la Chambre des représentants : elle interdit aux députées élues via les listes nationales ou régionales de se représenter de la même manière. Conçue pour favoriser le renouvellement, cette règle prive les femmes d’une continuité politique. Celles ayant acquis une expérience parlementaire doivent alors affronter les élections locales, souvent verrouillées par des logiques clientélistes et financières, ou subir les décisions de leurs partis qui placent rarement les femmes en tête de liste.
À ces contraintes institutionnelles s’ajoutent des obstacles structurels. Le climat électoral demeure marqué par l’usage de l’argent et des pratiques dissuasives qui freinent l’engagement féminin. Parallèlement, les normes socioculturelles assignant aux femmes la responsabilité principale de la sphère domestique compliquent la conciliation entre vie familiale et engagement politique.
En filigrane, l’étude questionne l’objectif même du quota. Conçu pour amorcer une dynamique de parité, le dispositif s’est cristallisé dans une logique essentiellement comptable. Si les chiffres montrent une progression, l’égalité politique réelle ainsi que l’accès équitable aux responsabilités et aux circonscriptions restent un horizon encore lointain.