L’impasse administrative grippe les ventes
Le marché immobilier marocain connaît un blocage sans précédent, provoqué par la mise en œuvre chaotique d’une réforme administrative. L’obtention du quitus fiscal, désormais complexe, freine les ventes et alimente les incertitudes, en particulier chez les Marocains résidant à l’étranger. Les répercussions touchent l’ensemble de la chaîne immobilière, du notariat à la promotion.
L’été 2025 restera marqué par un paradoxe pour le secteur immobilier marocain. Alors que cette saison est traditionnellement une période de forte activité, portée par les investissements des Marocains résidant à l’étranger (MRE), le marché s’est retrouvé dans une situation de paralysie quasi totale. Ce blocage inattendu met en lumière les conséquences profondes d’une réforme administrative mal calibrée et révèle les frictions entre les ambitions de modernisation et la réalité du terrain.
Selon les experts du secteur, la source de cette inertie est un document administratif : le quitus fiscal. Indispensable à toute transaction, ce certificat prouvant que le vendeur est à jour de ses obligations fiscales est devenu difficile à obtenir dans des délais acceptables. Ce goulot d’étranglement est le résultat involontaire d’une fusion récente entre la Direction Générale des Impôts (DGI) et la Trésorerie Générale du Royaume (TGR), une réorganisation qui, faute de concertation avec les professionnels, a complexifié les procédures au lieu de les simplifier. Les services fiscaux, mal préparés et surchargés, se sont retrouvés dans l’incapacité de répondre à la demande, créant un effet domino dévastateur.
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Les conséquences économiques et sociales de cette situation sont lourdes. Selon diverses sources médiatiques, l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur immobilier se retrouve paralysé : les promesses de vente sont gelées, les vendeurs ne peuvent plus mobiliser les fonds nécessaires à d’autres projets, les acheteurs perdent patience, et les notaires, bien que conscients de l’urgence, se trouvent juridiquement dans l’impossibilité d’agir. Ce climat d’incertitude ébranle profondément la confiance, pourtant essentielle au bon fonctionnement du marché.
Les MRE, qui concentrent souvent leurs projets immobiliers durant leur séjour estival limité, en paient le plus lourd tribut. Leur déception croissante pourrait bien les détourner progressivement du marché immobilier national, mettant en péril une partie des quelque 100 milliards de dirhams que leurs transferts représentent chaque année pour l’économie du pays. Mais au-delà des pertes financières, ce blocage touche à l’humain : de nombreux propriétaires, souvent parmi les plus modestes, voient s’effondrer un projet de vie construit autour de la vente de leur bien. Pour eux, cette impasse n’est pas qu’une affaire de chiffres, mais une véritable épreuve.
Cette crise administrative est aggravée par une autre rigidité du système : le référentiel fiscal utilisé pour l’évaluation des biens. En décalage avec les réalités du marché, il fait peser sur les vendeurs acceptant un prix en deçà de la référence un risque de redressement fiscal, renforçant l’instabilité juridique et financière. Le problème du quitus n’est donc pas un incident isolé, mais le symptôme d’un système qui manque parfois de flexibilité.