Un code unifié pour une autonomie territoriale renforcée
La réforme de la fiscalité locale au Maroc s’impose aujourd’hui comme une priorité nationale. L’actuel dispositif, régi principalement par la loi n° 47-06, souffre d’un éclatement réglementaire et d’une complexité structurelle qui freinent l’autonomie financière des collectivités territoriales. Dans un contexte de régionalisation avancée, cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle entrave les dynamiques locales de développement économique et social.
La problématique est claire : les règles fiscales locales sont multiples, souvent incohérentes, mal harmonisées et difficiles à appliquer. Les collectivités doivent composer avec pas moins de 17 taxes, réparties dans différents textes, souvent redondants ou obsolètes. Résultat : une faible mobilisation des ressources fiscales, une difficulté chronique de recouvrement et une dépendance accrue vis-à-vis des dotations de l’État.
Ce diagnostic, partagé par les experts comme par les élus locaux, a conduit le ministère de l’Intérieur à initier une réforme en profondeur, avec l’ambition d’unifier les taxes locales et de mettre en place un Code de la fiscalité des collectivités territoriales, à l’instar du Code général des impôts (CGI). Ce projet législatif entend rationaliser l’ensemble des dispositions relatives aux taxes, redevances et droits perçus localement, en les regroupant dans un cadre juridique unique, cohérent et accessible.
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La réforme ne se limite pas à une simplification des textes. Elle propose une révision des assiettes fiscales, une clarification des taux d’imposition, et une meilleure articulation entre fiscalité et gouvernance territoriale. L’objectif : renforcer la capacité des collectivités à générer leurs propres ressources, dans le respect de la justice territoriale et sans aggraver la pression fiscale sur les citoyens.
Un point important de cette réforme est l’intégration des outils numériques dans la gestion fiscale. La mise en place du système GIR-CT (Gestion intégrée des recettes des collectivités territoriales), en collaboration avec la Trésorerie Générale du Royaume, marque un tournant. Ce dispositif permet notamment de générer des reçus électroniques, de centraliser les paiements et de suivre en temps réel les recouvrements grâce à un module de reporting. En parallèle, des formations ciblées pour les agents territoriaux sont prévues afin d’accompagner ce virage technologique et renforcer la compétence fiscale au niveau local.
Mais les défis restent nombreux. La mobilisation des recettes locales demeure entravée par plusieurs facteurs : la complexité des règles, la faiblesse des bases imposables, le manque de moyens humains et techniques, et parfois même une réticence politique à appliquer certaines taxes. Les ressources issues de la fiscalité locale, comme les redevances portuaires, les permis de chasse ou la taxe sur l’exploitation minière, restent largement sous-exploitées.
Le ministre de l’Intérieur, M. Abdelouafi Laftit, a souligné devant le Parlement que cette réforme s’inscrivait dans la continuité de la loi-cadre n° 69.19 sur la réforme fiscale, adoptée à l’issue des Assises nationales de 2019. Il a notamment insisté sur la nécessité de réduire le nombre de taxes, de regrouper celles liées aux biens immobiliers et aux activités économiques et de renforcer la justice fiscale entre les territoires. La hausse de la part de la TVA allouée aux collectivités, qui passera de 30 % à 32 % selon la loi de finances 2025, représente un signal positif mais reste insuffisante à elle seule.
Pour assurer le succès de cette transformation, le ministère prévoit également des campagnes de sensibilisation auprès des citoyens et des entreprises. L’enjeu est d’instaurer une culture de transparence, de confiance et de responsabilité partagée entre l’administration fiscale locale et les contribuables.