Economie

La santé, un actif stratégique en recomposition

Porté par un cadre réglementaire rénové, une dynamique d’investissement public inédite et l’émergence d’acteurs cotés performants, le Maroc s’installe progressivement dans le radar des investisseurs en santé. Ce mouvement national s’inscrit dans une dynamique globale contrastée, où les États-Unis dominent, l’Europe se recentre, et l’Asie réorganise ses priorités.

En l’espace de cinq ans, le secteur de la santé marocain a opéré une mue remarquable. Longtemps marginal sur la place casablancaise, il s’affirme aujourd’hui comme l’un des plus prometteurs, porté par la montée en puissance d’acteurs comme Akdital ou Vicenne, et soutenu par des réformes d’envergure.

Le plan « Santé 2025 », doté de 24 milliards de dirhams, prévoit une allocation de 14 milliards au seul secteur hospitalier, marquant une rupture avec les cycles antérieurs de sous-investissement. En parallèle, la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire a permis de couvrir 70 % de la population marocaine à fin 2024, transformant une demande jusque-là marginalement solvabilisée en un marché captif.

Sur le volet hospitalier, le nombre de cliniques privées est passé de 375 en 2020 à 453 en 2024, et leur part dans la capacité litière nationale a bondi de 28 % à 40 %. Le ratio de 12,8 lits pour 10 000 habitants, s’il reste inférieur à la moyenne OCDE (46 lits), s’est rapproché de la moyenne MENA (15), selon les données croisées du HCP et du ministère de la Santé.

Lire aussi : Record sur les marchés financiers : plus de 107 milliards levés en 2024

En bourse, l’essor d’Akdital, dont le chiffre d’affaires a dépassé 1,6 milliard de dirhams en 2024, avec un résultat net en hausse de +52 %, a servi de catalyseur. L’entrée récente de Vicenne, sursouscrite par plus de 37 000 investisseurs, a confirmé cette attractivité. La demande a dépassé de plusieurs dizaines de fois l’offre, pour une levée de 500 millions de dirhams, un record pour le secteur.

Selon Finances News Hebdo, les flux d’investissements annuels dans la santé privée devraient atteindre 32,6 Mds DH d’ici 2025, avec un taux de croissance projeté de +12,2 %/an. Ces chiffres traduisent un véritable repositionnement stratégique, où la santé devient une filière d’investissement aussi bien hospitalière qu’industrielle (biologie, imagerie, radiologie interventionnelle).

États‑Unis : l’appétit des géants pour l’IA médicale

Le marché américain conserve une domination nette sur le segment santé-cotée. McKesson, premier distributeur pharmaceutique du pays, a franchi 309 Md \$ de chiffre d’affaires en 2024, avec un bénéfice net de 3,56 Md \$. Dans l’immobilier de santé, American Healthcare REIT (AHR) a publié une progression du Net Operating Income (NOI) de 15 à 17 %, et a levé 471 M\$ dans une joint-venture avec Trilogy Health, renforçant sa présence dans les établissements seniors et cliniques de proximité.

L’innovation technologique est également au cœur des dynamiques. Les investissements en IA appliquée à la biotech ont franchi 5,6 Md \$ en 2024, selon SVB. Des startups comme Tempus, Grail ou Verily lèvent à elles seules plusieurs centaines de millions de dollars, signalant une nouvelle ère de convergence entre données de santé, séquençage génétique et IA prédictive.

Le modèle français repose sur deux piliers : des groupes hospitaliers diversifiés et une industrie pharmaceutique de rang mondial. Ramsay Santé, dont le chiffre d’affaires a atteint 2,5 Md € (+5,8 % fin 2024), reste sous tension. Sa maison mère, Ramsay Health Care, envisage de céder sa participation de 52,8 %, en raison de pertes consolidées en Europe.

Côté pharmaceutique, Sanofi affiche un EBIT de 4,6 Md €, en hausse de 14,4 %, porté par une croissance de 25,5 % des ventes de vaccins. L’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie), fixé à 265,9 Md € pour 2025, offre une perspective d’expansion, mais limite aussi les marges via une pression tarifaire accrue sur les produits remboursables.

Le segment numérique, représenté par Doctolib, connaît aussi une dynamique soutenue : +22,5 % de chiffre d’affaires en 2024 (348 M€ de revenu récurrent), avec une réduction des pertes de 38 % (53,8 M€). Ce modèle hybride (plateforme-SaaS-Santé) séduit de plus en plus les marchés.

Europe & Asie : cessions, biotech et positionnement stratégique

Le secteur biotech européen attire toujours. En Italie, Diesse Diagnostica Senese a été cédée par le fonds ArchiMed à Fremman Capital pour 125 M€, avec un multiple de sortie de x4,6. L’investissement dans la biologie moléculaire, l’immunologie et les tests infectieux reste le segment le plus porteur.

Au Danemark, Novo Nordisk a battu ses propres records : 42 Md \$ de chiffre d’affaires en 2024, soit +25 %, alimenté par ses traitements contre le diabète et l’obésité (Ozempic, Wegovy). Deux acquisitions majeures ont marqué l’année : Catalent (16,5 Md \$) et Cardior Pharmaceuticals (1,1 Md \$), confirmant la stratégie de consolidation verticale du groupe.

Continuer la lecture

Bouton retour en haut de la page