Economie

Les banques en embuscade pour régner sur la blockchain

Il est fini le temps où les banques regardaient les cryptomonnaies avec suspicion, voire condescendance. En Europe comme en Amérique du Nord, les institutions financières traditionnelles sont désormais en embuscade. Et elles ne comptent pas rater la prochaine vague : celle de la régulation des actifs numériques.

Aujourd’hui, un front se dessine à l’échelle transatlantique. D’un côté, les États-Unis, longtemps hésitants, ont fini par autoriser les banques à devenir actrices directes de la blockchain. Oui, actrices, en tant que validateurs, elles pourront sécuriser les réseaux Ethereum, Solana et consorts, tout en générant des revenus. Une révolution silencieuse.

De l’autre, l’Europe finalise l’entrée en application du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), premier cadre juridique global encadrant les crypto-actifs. Prévu pour une mise en œuvre totale fin 2024, ce texte impose aux prestataires de services en actifs numériques une discipline de fer : gouvernance, transparence, capitalisation, conformité. Et les banques sont parfaitement armées pour cocher toutes ces cases.

Europe : le cheval de Troie réglementaire

En apparence, le texte MiCA vise à encadrer un Far West numérique. En réalité, il pourrait être le cheval de Troie des banques dans l’univers crypto. Les exigences de conformité et de sécurité qu’il impose désavantagent clairement les petits acteurs technologiques, souvent dépourvus de moyens juridiques, fiscaux ou prudentiels.

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Les grandes banques européennes, elles, avancent masquées. Certaines comme BBVA, Santander, Revolut ou encore Frick Bank ont déjà lancé des offres crypto : comptes, cartes, services de garde ou produits d’investissement. D’autres attendent le feu vert officiel pour déployer leurs batteries. À Bruxelles, dans les coulisses, les lobbyistes bancaires ont activement participé à la rédaction de MiCA. Mieux, des groupes nord-américains de la blockchain, installés en Europe, ont aussi pris part aux discussions.

Le message est clair : l’infrastructure sera américaine, mais l’habillage réglementaire sera européen. Les banques sont les seuls acteurs capables de combiner ces deux forces.

Et le Maroc dans tout ça ?

Le Maroc ne peut rester spectateur. En retard sur le dossier crypto (l’AMMC et Bank Al-Maghrib planchent toujours sur leur cadre légal), le Royaume voit ses talents et ses capitaux s’expatrier. Pendant ce temps, des États comme le Nigeria, les Émirats, ou même le Rwanda adoptent des approches proactives.

Notre tissu bancaire, solide, bien structuré, a une carte à jouer. Pourquoi ne pas créer un label marocain de conformité crypto ? Pourquoi ne pas initier un « MiCA régional » adapté à l’Afrique du Nord et de l’Ouest, avec Casablanca comme hub d’innovation régulée ?

La banque comme « anti-crypto » ? Faux débat

L’idée que les cryptomonnaies visent à « remplacer les banques » est dépassée. Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est une fusion froide entre finance traditionnelle et innovation décentralisée. Les banques comprennent que la technologie blockchain est une infrastructure, pas une idéologie. Elles la domestiquent, la régulent, et bientôt, la dominent.

La blockchain ne tue pas la banque. Elle redéfinit le rôle du banquier : moins comme un intermédiaire, plus comme un garant de sécurité numérique, un gestionnaire de patrimoine tokenisé, un « conservateur d’actifs du futur ».

Ceux qui pensaient que la révolution se ferait contre les banques se trompaient. Elle se fera par elles, avec elles… et pour elles.

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