L’impact silencieux de la filière avocat pointé du doigt
Hajar Ben Hosain
Alors que le Maroc subit l’une des crises hydriques les plus graves de son histoire, les exportations d’avocats battent des records. Chaque fruit cultivé pour l’exportation représente une portion importante d’eau transférée vers des pays largement pourvus en ressources hydriques, accentuant les tensions sur un écosystème déjà fragilisé.
En pleine crise hydrique, le Maroc continue d’exporter massivement des produits agricoles gourmands en eau. C’est ce que dénonce la députée Fatima Tamni, membre de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), qui a interpellé le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, M. Ahmed El Bouari, sur les exportations records d’avocats vers le Canada.
En effet, dans une question écrite adressée au ministre, la députée s’inquiète du paradoxe entre l’état critique des ressources hydriques du pays et l’orientation actuelle des exportations agricoles. Alors que le Royaume est confronté à une sécheresse persistante, à une baisse alarmante du niveau des nappes phréatiques et des retenues de barrages, plus de 1 180 tonnes d’avocats ont été expédiées vers le Canada durant la campagne 2024-2025. Ce volume équivaut, selon elle, à une consommation de plus de 1,18 milliard de litres d’eau, transférés vers un pays qui figure parmi les plus riches en ressources hydriques à l’échelle mondiale.
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La parlementaire met en lumière le caractère hautement consommateur en eau de l’avocat, estimant qu’un seul kilogramme de ce fruit nécessite environ 1 000 litres d’eau pour sa production. Elle estime que cette réalité traduit un déséquilibre profond dans les choix stratégiques en matière d’agriculture et de sécurité hydrique. De plus, elle critique l’absence apparente de mesures visant à encadrer ou à limiter l’extension des cultures fortement consommatrices d’eau, notamment celles destinées à l’export. Elle appelle à une révision urgente des politiques agricoles afin de les adapter aux contraintes environnementales du pays.
Dans le même sens, selon le bilan de la campagne 2024-2025 établi par Abdellah El Yamlahi, président de l’Association Marocaine de l’Avocat (MAVA), le Royaume a franchi pour la première fois le seuil des 100 000 tonnes d’avocats exportées, contre 60 000 tonnes l’année précédente, soit une hausse de 67 %. La production nationale, elle aussi, a atteint un niveau record de 130 000 tonnes, contre 70 000 tonnes lors de la saison 2023-2024.
Dans cette dynamique, et selon les données rapportées par EastFruit, plus de 80 % des exportations marocaines d’avocats sont destinées à trois marchés principaux, notamment l’Espagne, la France et les Pays-Bas. Des avancées notables ont également été enregistrées dans d’autres pays européens comme le Royaume-Uni et l’Italie.
La Suisse, de son côté, a vu ses importations d’avocats marocains bondir de 150 % par rapport aux saisons précédentes. La Belgique et le Portugal affichent également des progressions remarquables, avec des volumes multipliés respectivement par six et onze. Par ailleurs, après deux ans d’interruption, le Maroc a repris ses expéditions vers le Canada et la Turquie. D’autres débouchés comme la Pologne, l’Ukraine, la Grèce, ainsi que des destinations plus éloignées telles que la Malaisie et Oman, viennent élargir davantage la carte des exportations marocaines. Entre juillet et décembre 2024, les avocats du Royaume ont atteint 25 pays, contre 19 durant toute la saison précédente.