Economie

L’Afrique atlantique au prisme de l’axe Maroc–Nigeria–Afrique du Sud

Hajar Ben Hosain

L’édition 2025 du Rapport annuel sur la géopolitique de l’Afrique, élaborée par le Policy Center for the New South (PCNS), et dirigée par Abdelhak Bassou, propose une analyse approfondie des dynamiques continentales, avec un accent particulier sur l’Initiative marocaine pour l’Afrique atlantique.

Parmi les six chapitres consacrés à la thématique, celui rédigé par Driss Alaoui Belghiti et Fatim Zohra Azouzou pose la question : « L’axe Maroc, Nigeria, Afrique du Sud : un moteur géopolitique pour l’intégration de l’Afrique atlantique ? ». Selon les médias, ce chapitre central explore les trajectoires géostratégiques de trois puissances régionales africaines qui, bien que distinctes, présentent des points de convergence significatifs. Le Maroc, selon le rapport, pionnier dans la structuration d’une vision intégrée de l’Atlantique africain, propose une diplomatie fondée sur la solidarité et la coopération Sud-Sud. Sa stratégie, en trois phases, a d’abord consisté à renforcer les liens bilatéraux avec les pays africains historiquement proches. Ensuite, il a adopté une diplomatie économique pour tisser de nouveaux partenariats basés sur des intérêts communs. Son retour à l’Union africaine en 2017 a marqué une phase multilatérale, illustrée notamment par la demande d’adhésion à la CEDEAO.

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À l’ambition marocaine d’intégration régionale répond une approche plus centrée sur la sécurité et l’énergie de la part du Nigeria. Selon le document, depuis l’indépendance, Abuja a bâti sa politique étrangère sur une vision afrocentrée, misant sur le golfe de Guinée comme espace clé de sa souveraineté. Le Nigeria a mis en œuvre des mesures concrètes, telles que le Code de conduite de Yaoundé (2013) ou encore le programme Deep Blue (2021), qui vise à sécuriser ses côtes à l’aide de moyens technologiques avancés. Cette orientation pragmatique reflète une volonté de stabiliser la région tout en exploitant le potentiel énergétique de sa façade maritime.

Par ailleurs, le rapport relève que l’Afrique du Sud, quant à elle, développe une posture atlantique plus nuancée. Longtemps tournée vers l’océan Indien, Pretoria commence à valoriser sa façade atlantique, riche de plus de 1.500 km de côtes et dotée d’une zone économique exclusive prometteuse. L’initiative Opération Phakisa (2014), inspirée de la Malaisie, vise à dynamiser l’économie bleue sud-africaine.

Un trio aux intérêts croisés

Malgré ces disparités, les auteurs de ce rapport identifient trois axes de complémentarité entre ces nations, notamment la sécurité maritime, les infrastructures logistiques et l’intégration énergétique. En matière de sécurité, une division du travail se dessine : le Nigeria agit en régulateur de l’Atlantique centre-occidental, le Maroc projette sa stratégie sécuritaire sur le Nord-Ouest, et l’Afrique du Sud privilégie une ouverture vers le Sud global. Sur le plan logistique, (triptyque — Tanger Med au Nord, Lagos-Lekki au Centre, Durban-Le Cap au Sud —) représente une architecture potentielle de connectivité intra-africaine, bien que freinée par l’absence d’harmonisation des normes et de convergence douanière.

De même, selon l’analyse, l’illustration la plus éloquente de cette coopération émergente est le projet de gazoduc Nigeria-Maroc, long de 5.600 km, qui traverse 13 pays ouest-africains. Ce projet, à la fois énergétique et géopolitique, repositionne le Maroc comme pont entre l’Afrique et l’Europe, tout en affirmant le rôle central du Nigeria au sein de la CEDEAO. Même si l’Afrique du Sud n’en fait pas partie, elle conserve un potentiel d’intégration via ses capacités en énergies renouvelables.

Cependant, l’ambition d’une intégration atlantique se heurte à plusieurs obstacles structurels. Selon la publication, les rivalités de leadership, les positions divergentes sur des dossiers sensibles comme le Sahara marocain, et les héritages diplomatiques contradictoires freinent la construction d’un ordre commun. Le soutien persistant de Pretoria à la pseudo-rasd s’oppose frontalement à la position souveraine du Maroc sur ses provinces du Sud, cristallisant des tensions profondes et entravant la coopération bilatérale dans les forums multilatéraux.

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