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Une réforme adoptée sous haute tension au Parlement

La réforme du régime d’indemnisation des victimes d’accidents de la route a provoqué de fortes tensions au Parlement. Adopté malgré une vive opposition, le projet de loi 70.24 suscite des accusations de favoritisme envers les assureurs, que le ministre de la Justice M. Abdellatif Ouahbi conteste vigoureusement.

La révision du régime d’indemnisation des victimes d’accidents de la route a récemment enflammé la Chambre des représentants marocaine, culminant par l’adoption du projet de loi n°70.24 dans un climat de vives tensions. Porté par M. Abdellatif Ouahbi, le texte vise à moderniser un dahir datant de 1984. Cependant, il a immédiatement fait face à une levée de boucliers de l’opposition, qui dénonce une loi conçue « sur mesure » pour les compagnies d’assurance et accuse le gouvernement de céder à la pression des lobbies.

Le principal point de friction réside dans une clause stipulant que les nouvelles dispositions ne s’appliqueront pas rétroactivement aux accidents survenus avant la publication du texte au Bulletin officiel. Cette non-rétroactivité est perçue par les détracteurs du projet, à l’instar de Saïd Baazziz du Groupe socialiste, comme un « cadeau » offert aux assureurs. L’opposition affirme que cette mesure permettrait aux compagnies d’assurance de repousser l’application effective de la loi, potentiellement jusqu’en 2027, leur faisant ainsi économiser des sommes considérables au détriment des victimes en attente d’indemnisation. Les accusations de « législation sur mesure » et de protection des « lobbies » ont ainsi fusé, transformant les débats en une véritable confrontation politique.

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Face à ces attaques, M. Abdellatif Ouahbi a défendu sa réforme en la présentant comme une nécessité impérieuse. S’appuyant sur les chiffres alarmants de la sécurité routière — plus de 655 000 accidents et 7,4 milliards de dirhams d’indemnités en 2024 — il a insisté sur le besoin d’adapter la législation aux réalités contemporaines et futures, évoquant même l’arrivée des véhicules autonomes. Selon lui, le projet de loi clarifie les règles de calcul des indemnités, notamment sur la base du salaire intégral, afin de mettre fin aux interprétations judiciaires variables.

Il a également mis en avant les avancées sociales du texte, telles que l’élargissement du cercle des ayants droit pour y inclure le garant, le pupille ou encore le conjoint invalide. Le ministre affirme avoir recherché un équilibre délicat : préserver la viabilité des compagnies d’assurance et de leur capital humain sans augmenter le montant des primes pour les citoyens. Esquivant les accusations de connivence, il a rappelé que le Parlement n’était pas « peuplé d’anges » et que la défense d’intérêts sectoriels était une réalité politique.

Au-delà des aspects techniques, l’adoption de cette loi a révélé la profondeur des clivages au sein de l’hémicycle. Entre les critiques acerbes de l’opposition et les tentatives du ministre d’apaiser les tensions tout en défendant son projet, le débat a pris une tournure tendue. M. Abdellatif Ouahbi a lui-même regretté la tension ambiante, estimant que le Parlement devrait être un espace de transmission de valeurs et non de confrontations dégradantes.

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