Economie

Le Maroc peut-il s’imposer comme hub régional ?

Le Maroc affirme son ambition de devenir une plateforme énergétique régionale en accélérant à la fois le déploiement des énergies renouvelables et l’essor de l’hydrogène vert. Malgré un seuil notable de 40 % de capacité électrique issue de sources propres, la concrétisation de cette ambition dépend de la sécurisation des débouchés internationaux, du développement d’infrastructures adaptées et de l’émergence d’un écosystème industriel compétitif.

La trajectoire énergétique du Royaume n’est pas un phénomène récent. La transition a été amorcée il y a des décennies, d’abord par une politique volontariste de construction de barrages, puis accélérée par la crise énergétique de 2008. Face à une dépendance critique, atteignant une dépendance énergétique atteignant 98 % aux énergies fossiles à l’époque, le Maroc a pris un tournant décisif vers les énergies renouvelables.

Aujourd’hui, les résultats de la stratégie énergétique marocaine sont tangibles. Les énergies renouvelables représentent environ 40 % de la capacité électrique installée du pays, selon le rapport annuel 2023 de l’ONEE. Sur une capacité totale de production électrique d’environ 11 GW, 4,7 GW proviennent de sources propres, principalement solaires (1,7 GW) et éoliennes (3 GW), d’après les données de la Moroccan Agency for Sustainable Energy (MASEN). Ces chiffres illustrent l’engagement du Maroc à atteindre ses objectifs ambitieux en matière de mix énergétique, conformément à la Stratégie nationale de transition énergétique et au développement durable du Royaume.

L’opportunité la plus significative réside dans le développement de la filière de l’hydrogène vert. Le Maroc ambitionne de devenir un hub régional pour cette énergie décarbonée, capitalisant sur son potentiel solaire et éolien exceptionnel. Cette vision a été consolidée par le Discours Royal de novembre 2022, qui a marqué une étape clé dans la concrétisation de cette ambition. Le gouvernement a traduit cette orientation stratégique par « l’Offre Maroc » en mars 2024, un cadre incitatif et réglementaire visant à encadrer et à stimuler les investissements dans le secteur de l’hydrogène vert.

Cette offre a déjà suscité un intérêt massif : six grands projets sont actuellement sur la table avec des partenaires internationaux de premier plan (incluant la France, l’Espagne, l’Allemagne, les Émirats Arabes Unis et la Chine), et une quarantaine d’autres initiatives sont en cours d’étude. Ces partenariats internationaux témoignent de la crédibilité et de l’attractivité du Maroc sur la scène énergétique mondiale.

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Les leviers à activer pour transformer le Maroc en hub énergétique régional

Malgré cet élan, le chemin vers la concrétisation du statut de hub énergétique nécessite encore de relever plusieurs défis. M. Samir Rachidi, directeur général par intérim de l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN), lors d’un entretien avec le Policy Center for the New South (PCNS), met en lumière plusieurs défis. Le principal d’entre eux concerne l’incertitude du marché et de la demande, notamment en provenance de l’Europe.

L’Union Européenne, cible naturelle des exportations marocaines d’hydrogène vert, subventionne désormais massivement ses propres projets internes. Cette politique, bien que légitime, crée une barrière concurrentielle pour les producteurs externes comme le Maroc, rendant l’accès au marché européen plus complexe et moins prévisible. Le Maroc doit donc exercer une « force de frappe douce » pour influencer les décisions européennes et garantir un marché stable pour ses produits.

Un autre défi de taille est le développement des infrastructures. La transition vers l’hydrogène vert exige des investissements colossaux pour développer des installations portuaires adaptées, des pipelines « hydrogen-ready » et des capacités de stockage à grande échelle. Pour un pays sans tradition gazière ou pétrolière, cela représente un défi logistique et technique de taille, nécessitant une nouvelle culture de la sécurité et de la gestion des fluides gazeux.

 De plus, pour maximiser la valeur ajoutée de cette filière, le Maroc, selon M. Rachidi, doit impérativement développer une industrie locale de fabrication des composants technologiques, tels que les électrolyseurs. Sans une garantie de marché stable et une demande ferme, l’investissement dans cette industrie de pointe reste risqué. Le développement de l’industrie locale est intrinsèquement lié à la sécurisation des débouchés commerciaux.

Le rôle du gaz naturel dans cette transition est également abordé. Il est perçu comme une énergie de transition essentielle pour assurer la flexibilité et la sécurité du réseau électrique, notamment en complément à l’intermittence des EnR. L’infrastructure gazière en développement, comme le projet de gazoduc Afrique Atlantique, est conçue pour être adaptable à l’hydrogène, assurant ainsi une synergie entre les différentes composantes de la stratégie énergétique.

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