Economie

Quels métiers, quelles compétences et quels leviers pour le Maroc de 2030 ?

La 41e édition du Carrefour du Manager, organisée conjointement par la Chambre française de commerce et d’industrie et l’Institut Supérieur de Commerce et d’Administration des Entreprises (ISCAE), a réuni, mardi 25 novembre, un parterre d’acteurs clés de l’écosystème économique marocain. Tenue au cœur du campus de l’ISCAE, cette édition a servi de plateforme pour interroger l’avenir du Royaume face aux défis mondiaux. Le thème retenu « En 2030, un chantier en marche : quels métiers et compétences pour le Maroc ? » dépasse la simple projection ; il constitue un appel à l’action pour aligner dès à présent les ressources humaines du pays sur ses ambitions stratégiques.

Le contexte dans lequel s’inscrit cette réflexion est celui d’une période de profonde mutation qui redessine la nature même du travail et les modèles économiques établis. Les intervenants ont unanimement souligné l’accélération des changements, qu’ils soient technologiques, industriels, écologiques ou sociaux. Cette vague de transformation globale exige une réévaluation complète des compétences requises pour la prospérité future. Face à ces bouleversements, le Maroc avance avec des ambitions fortes clairement définies pour l’horizon 2030, notamment la consolidation de la souveraineté industrielle, l’accélération de la transition écologique, le développement massif du digital et, surtout, la montée en valeur de ses talents. Ces chantiers majeurs posent la question fondamentale soulevée lors de la keynote : « Sommes-nous prêts ? »

L’un des défis majeurs soulevés par le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, M. Younes Sekkouri, est la nécessité d’un « time to market » très court en matière de ressources humaines. Il ne s’agit plus de potentiel, mais de la capacité des institutions de formation à répondre aux besoins immédiats des investisseurs.

Le Maroc s’est positionné sur des projets stratégiques de haute valeur, s’éloignant d’une logique de low-cost ou de BPO (Business Process Outsourcing). Cela implique un niveau d’exigence très élevé, avec des besoins en niveaux de certification et de qualification qui placent le pays au sommet de la liste en termes de qualité. La problématique des ressources humaines est jugée plus complexe que l’offre fiscale, en raison du « switching cost » important lié au capital humain.

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Investissement stratégique : Talents, énergie et compétitivité

Le Carrefour du Manager a également mis en lumière que l’attractivité du Maroc repose sur un ensemble de facteurs stratégiques. Si la question des talents est centrale, celle de l’énergie est tout aussi critique. Les investissements stratégiques, encadrés par la nouvelle Charte de l’Investissement, sont confrontés à des négociations incluant l’accès à une énergie critique pour la production, notamment en termes de normes d’énergie verte et de ratios d’exigence. Le ministre a clairement établi le parallèle entre ces deux piliers : « Je fais partie de la commission qui traite des investissements stratégiques du pays, c’est la question de l’énergie qui est critique. Il n’y a pas que les talents, il y a aussi la question de l’énergie. Parce que l’énergie est critique pour pouvoir produire avec des normes de plus en plus exigeantes, en termes d’énergie verte, en termes de ratio ».

La capacité du pays à traiter ces deux sujets — talents et énergie — est ce qui le positionne comme un acteur allant « au-delà de l’Afrique » dans la compétition mondiale.

Les nouvelles formes de travail et le rôle du dialogue social

Un autre axe de transformation majeur concerne les nouvelles formes de travail et les services à la population, qui drainent des business nouveaux comme les plateformes de delivery. Ces mutations sociales, notamment en milieu urbain, exigent un cadre juridique adapté pour permettre le déploiement de ces services sans coûts excessifs pour les entreprises. Cependant, l’encadrement de ces nouvelles formes de travail (plateformes numériques, travail à distance, temps partiel) est un sujet qui s’ancre dans le registre délicat du dialogue social.

« Ces nouvelles formes du travail, que ce soit le travail sur plateforme numérique, travail à licence, à temps partiel, ou autres, ce sont des sujets ancrés sur un autre registre, qui est celui du dialogue social, de l’équilibre entre les partenaires sociaux, que ce soit l’État, les syndicats, ou les représentants des entreprises », a expliqué M. Sekkouri.

La mise en place d’un dialogue social en 2022, coordonné par le ministère de l’Emploi, a permis de gérer des situations critiques, comme la menace de grève dans les aéroports ou les revendications dans le secteur de l’éducation. Ce travail de négociation et de construction de la confiance est qualifié d’infrastructure décisionnelle et de capital immatériel essentiel pour la stabilité et la compétitivité du pays.

Stratégie d’entreprise et rétention des talents

Le débat a également abordé la stratégie de l’entreprise face à la rétention des talents. Il a été souligné que l’État a un rôle à jouer pour protéger la compétitivité à travers le Code du travail, car le talent représente un investissement. L’enjeu est de trouver un équilibre pour éviter que les entreprises ne fassent le travail du marché en offrant des salaires non soutenables. Le ministre a mis en évidence le rôle de l’État : « D’où le rôle de l’État de protéger la compétitivité à travers le Code du travail qui permet aux gens de protéger leurs investissements en matière de talent. Voici une thématique pour 2030 que j’ai intégrée dans la lecture que nous allons démarrer avec les syndicats sur le Code du travail ».

Une réflexion stratégique a été proposée, basée sur la métaphore du shark (requin) et du mosquito (moustique), pour inciter les décideurs à se concentrer sur les enjeux majeurs (le shark) et à ne pas se laisser distraire par les problématiques secondaires (le mosquito). À l’échelle de l’État, le risque est de rater le moyen évolutionnaire au profit du court terme. La protection des talents, notamment via une révision du Code du travail, est une thématique intégrée dans la lecture pour 2030. Des solutions comme le travail à temps partiel sont envisagées, notamment dans le digital où la fidélisation des ressources est difficile, pour permettre aux talents de travailler pour plusieurs entités et ainsi optimiser la compétitivité.

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