Pourquoi le rapprochement entre la Russie et le Maroc inquiète-t-il Alger ?
Entre déclarations favorables au plan d’autonomie et signature d’accords stratégiques, Moscou semble désormais s’orienter vers une position plus claire en faveur du Royaume, à la veille d’un vote décisif au Conseil de sécurité sur le Sahara.
Les relations entre le Maroc et la Russie connaissent un tournant sans précédent. Le 13 octobre 2025, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a reconnu que le plan d’autonomie proposé par le Maroc constituait une forme légitime d’autodétermination.
Selon les experts, cette déclaration marque une rupture claire avec la position traditionnelle de Moscou. M. Lavrov a précisé que la Russie est prête à soutenir ce plan, à condition qu’il soit accepté par toutes les parties et placé sous la supervision des Nations unies.
En affirmant que l’autonomie proposée par le Royaume représente une voie réaliste de règlement, le chef de la diplomatie russe a ouvert une nouvelle phase de compréhension entre Rabat et Moscou.
Ce tournant diplomatique s’est confirmé quelques jours plus tard lors de la visite officielle du ministre des affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, à Moscou, du 15 au 17 octobre 2025.
Un rapprochement stratégique inédit
Le 16 octobre, les deux ministres ont signé un mémorandum d’entente instituant un Comité de travail russo-marocain entre leurs ministères. Ce comité aura pour mission d’évaluer le partenariat existant et d’identifier de nouveaux axes de coopération à forte valeur ajoutée.
M. Lavrov et Bourita ont réaffirmé leur détermination à renforcer les relations d’amitié et de confiance qui lient les deux pays depuis plusieurs décennies. Les deux diplomates ont convenu que les principes du droit international doivent être interprétés de manière à faciliter une solution politique réaliste et durable autour du Sahara marocain.
Ce rapprochement s’inscrit dans un contexte de renforcement global des échanges économiques. Le vice-premier ministre russe Dmitri Patrushev, coprésident de la Commission mixte intergouvernementale russo-marocaine, a annoncé, une hausse de près de 30 % du commerce bilatéral au premier semestre 2025 par rapport à la même période en 2024.
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« Nous disposons en outre d’un potentiel considérable pour intensifier davantage notre coopération économique », a-t-il affirmé en marge de la 8 session de la Commission intergouvernementale mixte russo-marocaine pour la coopération économique et scientifique et technique.
M. Patrushev a souligné que le Maroc reste l’un des partenaires les plus importants de la Russie sur le continent africain. L’énergie, l’agriculture, l’industrie, les transports, le commerce, la logistique et l’exploitation des ressources naturelles figurent parmi les domaines identifiés pour une coopération accrue.
Le 17 octobre, un accord de pêche incluant les eaux atlantiques du Sahara marocain a été signé. Selon les experts, cela confirme implicitement la reconnaissance russe de la souveraineté marocaine sur les provinces du sud.
Moscou soutien la solution réaliste
Dans ses récentes déclarations, Lavrov a insisté sur l’idée que Moscou soutient le « principe d’autodétermination par le dialogue », tout en qualifiant le plan marocain de « solution réaliste ». Le chef de la diplomatie russe a ajouté que la Russie considère « toute solution acceptable pour toutes les parties comme légitime ».
Ce changement intervient alors que la Russie assure la présidence du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre 2025. Le jeudi 30 octobre, le Conseil doit voter sur le projet de résolution américain portant sur le renouvellement du mandat de la MINURSO, qui expire le 31 octobre.
Pour la première fois, le texte présenté par les États-Unis cite le plan d’autonomie marocain comme « la base la plus sérieuse, crédible et réaliste » pour parvenir à une solution politique durable.
Le conseiller spécial du président américain, Massad Boulos, a exprimé quant à lui un « optimisme réel » quant à la conclusion d’un règlement définitif, soulignant que ce vote pourrait constituer une étape décisive dans la résolution du différend.
Le vent du boulet…
Plusieurs observateurs estiment que la Russie ne s’opposera pas à ce projet, contrairement aux craintes exprimées par Alger. Les analyses anticipent une abstention, voire un vote favorable de Moscou, ce qui marquerait un alignement avec la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.
L’évolution russe a provoqué une tension diplomatique visible en Algérie. Le 21 octobre, dans un appel téléphonique « à son initiative », le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a tenté de convaincre Lavrov de maintenir la neutralité russe. Le polisario, lui, semble plus que jamais dos au mur. Le groupe séparatiste a adressé « une lettre » au représentant permanent russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, dénonçant une « dérive grave et sans précédent ».
Le repositionnement de Moscou s’inscrit dans une dynamique internationale plus large. Outre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, plusieurs pays européens comme la Belgique, la Pologne, l’Espagne et l’Allemagne ont confirmé leur soutien au plan d’autonomie. Selon le ministère marocain des Affaires étrangères, plus de 120 nations soutiennent aujourd’hui une solution fondée sur l’autonomie sous souveraineté marocaine.

