le Maroc attise les convoitises des géants mondiaux du secteur
Lors du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), les effluves de viande rouge ne flottaient pas seulement au-dessus des stands d’exposition. C’est un parfum d’opportunités commerciales qui a attiré les regards d’une dizaine d’acteurs étrangers venus sonder un marché marocain en pleine mutation, où la hausse des prix attise à la fois les inquiétudes des consommateurs et l’appétit des fournisseurs.
À Meknès, lors de cette 17ᵉ édition du SIAM, les échanges n’ont pas uniquement porté sur les technologies agricoles ou les modèles durables. C’est bien la filière carnée, en particulier la viande rouge, qui a concentré l’attention des délégations commerciales. Huit entreprises espagnoles – certaines déjà implantées dans le Royaume – ont multiplié les contacts avec des importateurs marocains. L’objectif est clair : renforcer leur ancrage sur un marché à la fois solvable et en quête d’alternatives face à la flambée des prix.
La France, quant à elle, était représentée par trois grands groupes exportateurs, bien décidés à réactiver une tradition d’échanges agroalimentaires entre les deux rives de la Méditerranée. Mais c’est surtout la présence remarquée de deux entreprises brésiliennes qui témoigne du tournant stratégique que prend le Maroc dans les circuits internationaux de distribution de viande. En misant sur une offre à bas coût, les fournisseurs sud-américains entendent s’imposer face à leurs concurrents européens, en proposant une viande compétitive et accessible pour un pouvoir d’achat marocain sous tension.
Cette convergence d’intérêts illustre un phénomène plus large : le basculement du Maroc en tant que marché de destination pour les grands exportateurs mondiaux de viande rouge. Alors que le Royaume fait face à une inflation persistante, notamment sur les produits alimentaires, l’arrivée de nouveaux acteurs pourrait à terme peser sur les prix pratiqués localement. De quoi redonner un peu d’air aux ménages, pour qui la viande est devenue, ces derniers mois, un produit de luxe.
« Le Maroc attire parce qu’il combine une demande stable, une population jeune et une classe moyenne en expansion, tout en restant dépendant des importations pour équilibrer son marché intérieur », explique un professionnel espagnol présent au salon. Une dépendance que certains veulent transformer en levier stratégique, en s’insérant durablement dans les circuits de distribution marocains.
Mais cette offensive étrangère ne manque pas de susciter des interrogations. Si l’ouverture accrue du marché à des fournisseurs internationaux peut favoriser une baisse des prix, elle pose aussi la question de la compétitivité des producteurs locaux, déjà fragilisés par des coûts d’élevage élevés et des épisodes récurrents de sécheresse. Un équilibre délicat, entre sécurité alimentaire nationale et intégration dans les chaînes de valeur mondiales.
Le SIAM 2025 aura donc été bien plus qu’une vitrine agricole. Il aura cristallisé, le temps d’une semaine, les tensions et espoirs d’un marché de la viande rouge en pleine recomposition, au croisement des enjeux sociaux, économiques et stratégiques.