Economie

la difficile équation entre accessibilité et viabilité économique

Le gouvernement s’apprête à réviser en profondeur le cadre réglementaire fixant les prix des médicaments. Le décret, en discussion depuis plusieurs mois, ambitionne de réduire le coût des traitements pour les patients. Mais derrière les annonces, les failles persistantes du système de tarification nourrissent les doutes, tandis que syndicats et pharmaciens redoutent une réforme inachevée.

Le ministre de la santé et de la protection sociale, Amin Tahraoui, a présenté un projet qui modifie en profondeur le décret de 2013. Le texte introduit des révisions plus fréquentes des prix, un mécanisme d’indexation pour les génériques et un plafonnement du nombre de copies autorisées pour chaque médicament de référence. Selon le gouvernement, cette réforme permettra d’aligner la réglementation marocaine sur les standards internationaux et de générer des économies substantielles pour les assurances maladie et les patients.

Les chiffres avancés par l’exécutif sont ambitieux : plus de 8 600 génériques devraient voir leur prix baisser en 2025, avec un gain annoncé de près de 1,7 milliard de dirhams pour les régimes d’assurance et de plus de 500 millions pour les ménages.

Le décret place les médicaments génériques au cœur du dispositif. Ces produits représentent désormais près de la moitié du marché intérieur. Le ministère entend renforcer leur accessibilité en imposant une réduction d’au moins 30 % par rapport au prix du médicament princeps pour le premier générique mis sur le marché.

Lire aussi : Industrie pharmaceutique : Le Maroc, nouveau hub africain

Mais la décision de plafonner à cinq le nombre de génériques autorisés par produit suscite des critiques. Pour les associations de patients, cette mesure risque de limiter la concurrence et, paradoxalement, de maintenir des prix élevés sur certaines classes thérapeutiques. « C’est une manière d’organiser le marché au profit de quelques laboratoires », estime un pharmacien de Casablanca.

Un système de tarification contesté

Au-delà de cette réforme, les défaillances structurelles du système marocain demeurent. Les prix des médicaments commercialisés au Maroc restent sensiblement plus élevés que dans les pays voisins. Un exemple souvent cité est celui du trastuzumab, traitement de référence contre certains cancers du sein, vendu plus de 4 200 dirhams au Maroc contre l’équivalent de 161 dollars en Égypte.

Ces écarts nourrissent le sentiment d’une tarification opaque, largement déconnectée du pouvoir d’achat des ménages. Malgré les révisions successives depuis 2014, le Maroc n’a pas réussi à combler ce différentiel avec les autres marchés de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.

Les syndicats de pharmaciens redoutent que la réforme accentue la fragilité économique des officines, déjà confrontées à l’érosion de leurs marges. Ils reprochent au gouvernement d’avoir ajusté celles des fabricants mais de laisser inchangé le modèle de rémunération des pharmacies. « C’est la viabilité même du réseau de distribution qui est en jeu », avertit un représentant syndical.

Les industriels, de leur côté, s’inquiètent de la soutenabilité des réductions imposées. La baisse automatique de 30 % pour les génériques, appliquée sur les segments coûteux (cancers, hépatites), pourrait décourager l’introduction de nouveaux produits et provoquer des ruptures d’approvisionnement.

Continuer la lecture

Bouton retour en haut de la page