Economie

Cartographie d’une dépendance stratégique du Royaume

Le Maroc affiche une dépendance structurelle croissante aux importations céréalières, désormais essentielle pour maintenir l’équilibre du marché et protéger le pouvoir d’achat. Entre diversification des origines, mobilisation des ports et soutien budgétaire de l’État, le Royaume articule un modèle d’approvisionnement entièrement tourné vers la fluidité des flux internationaux.

Le système d’approvisionnement en céréales du Maroc révèle une dépendance structurelle et croissante vis-à-vis des marchés internationaux, une réalité qui façonne en profondeur la sécurité alimentaire nationale. Face à une production locale insuffisante, le pays a consolidé un modèle reposant massivement sur les importations. Selon les données du Ministère de l’Économie et des Finances, publiées dans le rapport de compensation annexé au Projet de Loi de Finances 2026, les importations nationales de céréales ont atteint près de 99 millions de quintaux (soit 9,9 millions de tonnes) au titre de la campagne 2024/2025, enregistrant une hausse de 3% par rapport à la saison précédente. Cette tendance confirme que l’équilibre du marché marocain est étroitement lié à la fluidité des approvisionnements extérieurs.

La structure de ces importations, détaillée dans le même rapport ministériel, met en évidence la prédominance de certaines céréales stratégiques. Le blé tendre, essentiel à la production de pain, domine largement avec près de 50% des volumes totaux, soit 49,39 millions de quintaux. Il est suivi par le maïs, dont l’importance pour l’alimentation animale ne cesse de croître, représentant 29% des importations avec 29,59 millions de quintaux. Le blé dur, utilisé pour les pâtes et la semoule, et l’orge complètent ce tableau avec respectivement 11% (10,78 millions de quintaux) et 9% (9,19 millions de quintaux) des volumes importés.

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Conscient des risques liés à cette dépendance, le Maroc a mis en place une stratégie de diversification géographique de ses sources d’approvisionnement, comme le confirment les données du Ministère de l’Économie et des Finances. Pour le blé tendre, la France demeure le principal fournisseur, assurant 64% des importations. En revanche, le blé dur est importé exclusivement du Canada. Le marché du maïs est quant à lui plus diversifié, partagé entre le Brésil (34,5%), les États-Unis (34,3%) et l’Argentine (31,2%). Cette diversification des sources vise à minimiser les risques liés à une dépendance excessive envers un seul bassin exportateur et à préserver une marge de manœuvre face aux tensions climatiques ou géopolitiques.

La viabilité de ce modèle repose également sur une infrastructure logistique portuaire robuste. Selon les experts, bien que les données ministérielles ne détaillent pas la répartition par port pour la campagne 2024/2025, les rapports sectoriels, comme ceux de la Fédération Nationale des Négociants en Céréales et Légumineuses (FNCL), indiquent que le port de Casablanca gère traditionnellement plus de la moitié des arrivages, consolidant son rôle de principal centre de distribution vers les industries de transformation et les grands bassins de consommation. Il est suivi par Jorf Lasfar, spécialisé dans les vracs pour les filières animales, démontrant que l’efficacité de la chaîne logistique est aussi cruciale que la disponibilité des grains sur le marché international.

L’intervention de l’État représente un autre pilier de ce système, notamment pour maîtriser l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages. Le rapport du Ministère de l’Économie et des Finances précise qu’en raison d’un coût d’importation élevé, le gouvernement a maintenu la suspension des droits de douane et une aide à l’importation pour stabiliser le prix du pain. Pour la période de janvier à août 2025, le coût total de cette aide forfaitaire pour l’importation de blé tendre s’est élevé à 257 millions de dirhams. Parallèlement, la subvention accordée au blé tendre national destiné à la farine a atteint environ 880 millions de dirhams, illustrant l’effort budgétaire consenti pour garantir la sécurité de l’approvisionnement.

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