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ce que révèle la parole de Nasser Bourita

L’entretien que Nasser Bourita a accordé à l’agence EFE, à l’issue de la Réunion de haut niveau entre le Maroc et l’Espagne, éclaire avec une rare clarté la manière dont Rabat envisage l’évolution du dossier du Sahara marocain. À travers ses réponses, le ministre dévoile la lecture marocaine de la dernière résolution du Conseil de sécurité, mais aussi la philosophie politique qui guide désormais l’action diplomatique du Royaume.

Dès les premières questions, Bourita s’emploie à dissiper une confusion entretenue depuis des décennies ; celle entre autodétermination et référendum. « Nulle part il n’est dit que le droit à l’autodétermination est un référendum », rappelle-t-il, ajoutant que « personne n’a jamais dit que l’autodétermination était synonyme de référendum ». Pour lui, le principe doit être compris comme la capacité des parties à exprimer, de manière responsable, une volonté politique. Il souligne ainsi qu’« une personne qui signe un accord après une négociation exprime bien une volonté », et non une contrainte. Par cette clarification, le ministre situe le débat dans le droit international contemporain, qui privilégie les solutions négociées aux schémas rigides du passé.

Cette vision prend tout son sens lorsqu’il aborde la résolution du 31 octobre. Bourita y voit une inflexion décisive : « une rupture avec tout ce que l’ONU avait fait jusqu’à présent ». Selon lui, le texte clarifie enfin la base des négociations à savoir le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, et fixe l’objectif, celui d’une autonomie réelle exercée sous souveraineté marocaine. Il identifie également les parties concernées et en détermine le cadre temporel. La résolution introduit, selon ses termes, une cohérence et une prévisibilité qui avaient longtemps fait défaut au processus onusien.

Cette évolution du contexte international impose d’ailleurs une adaptation du Plan marocain. Bourita rappelle que le texte de 2007 a été élaboré dans un Maroc encore différent de celui d’aujourd’hui, un pays qui s’est doté depuis d’une nouvelle Constitution, d’une régionalisation avancée et d’un modèle de développement renouvelé. « Dix-huit ans ont passé et beaucoup de choses ont changé », observe-t-il. C’est pourquoi le Plan n’est plus une simple « initiative diplomatique », mais doit désormais devenir un « Plan détaillé », conforme à son nouveau statut de référence internationale. Les consultations avec les partis politiques vont dans ce sens, car le ministre insiste que « c’est une question qui concerne tous les Marocains ».

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Interrogé sur les modalités de la future négociation, Nasser Bourita se montre à la fois ouvert et précis. Il rappelle que la résolution identifie les quatre parties et que le Maroc respectera ce cadre, sans avoir à commenter la présence du Front Polisario : « Le Maroc n’a pas à se prononcer sur la présence ou l’absence du Polisario ». Il souligne également le rôle particulier attribué aux États-Unis pour accueillir les discussions, tout en indiquant qu’aucune date n’a encore été fixée. Sur l’attitude attendue des partenaires européens, le message est clair : le Maroc estime avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour créer les conditions d’une résolution et souhaite désormais avancer dans son partenariat stratégique avec l’Union européenne.

L’une des questions les plus sensibles concerne la terminologie employée pour désigner les habitants de la région. Bourita ne laisse aucune ambiguïté ; pour Rabat, il s’agit d’une population et non d’un peuple au sens juridique du terme. « Il n’y a pas de peuple ; il y a une population originaire de cette région et le Maroc interagit avec elle », précise-t-il, en s’appuyant sur la formulation même de la résolution onusienne.

Il rejette également l’idée d’un mécanisme international de supervision pour l’éventuelle autonomie, estimant qu’il serait injustifié. « Lorsque l’autonomie sera signée, elle sera mise en œuvre. Pourquoi un mécanisme international ? » demande-t-il, rappelant que la confiance de la communauté internationale envers le Maroc se manifeste déjà par le soutien constant apporté au Plan d’autonomie.

Enfin, interrogé sur la gestion de l’espace aérien du Sahara, actuellement assurée par l’Espagne, Bourita considère que la situation doit évoluer au regard des responsabilités réelles. Il illustre son propos par une question simple : lorsque survient un incident dans l’espace aérien saharien, qui en assume la sécurité ? « C’est le Maroc », insiste-t-il. Dès lors, il est logique que Rabat et Madrid puissent, dans le climat de confiance qui caractérise leur relation, trouver « des solutions imaginatives » et adaptées à leurs intérêts respectifs, d’autant que le ministre juge « anachronique » tout dispositif qui ne correspond plus aux réalités politiques et opérationnelles actuelles.

À travers cette interview, Nasser Bourita dessine finalement une ligne cohérente : le Maroc entre dans une phase où sa vision d’une solution politique, réaliste et négociée s’impose progressivement comme le cadre central du processus onusien. La mise à jour du Plan d’autonomie, la clarification de l’autodétermination, la définition des parties prenantes et la synchronisation avec les attentes des partenaires internationaux constituent autant d’éléments qui témoignent d’un moment diplomatique singulier. Le Royaume s’y présente comme une puissance d’initiative, sûre de ses positions et déterminée à clore ce dossier dans un esprit de responsabilité et de stabilité régionale.

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