Fin du démarchage téléphonique : une mutation inévitable et bénéfique pour l’écosystème marocain
Loin d’affaiblir le secteur, la fin du démarchage téléphonique non sollicité en France accélère la transformation des centres d’appels marocains. Libérés des activités les plus pénibles, les opérateurs montent en valeur, renforcent leurs compétences et consolident le positionnement du Maroc comme hub des services numériques.
L’interdiction du démarchage téléphonique non sollicité en France, qui entrera en vigueur en août 2026, aurait pu être perçue comme une menace pour les centres d’appels marocains. Elle marque pourtant un tournant salutaire pour un secteur en pleine transformation.
Alors que la prospection téléphonique vers la France ne représente aujourd’hui qu’entre 15 et 20 % de l’activité des centres d’appels marocains selon plusieurs analyses sectorielles, cette mesure accélère une évolution déjà à l’œuvre : la montée en gamme des métiers, l’amélioration des conditions de travail et la réaffirmation du Maroc comme hub régional des services numériques. Les opérateurs marocains ont anticipé la situation.
Depuis plusieurs années, ils se détournent progressivement des activités d’émission à froid, usantes et peu valorisantes, pour se positionner sur des services à forte intensité cognitive, support technique, modération, back-office, gestion omnicanale de la relation client. Le cœur du modèle n’est plus la prospection, mais la relation client experte, l’analyse, la résolution, l’accompagnement.
Une clarification légale qui renforce la crédibilité du secteur
La fin du démarchage téléphonique non consenti en France améliore l’image du secteur marocain. Les grandes plateformes n’ont jamais fondé leur développement sur des logiques de volume ou de pression commerciale ; elles privilégient la qualité de service, la conformité et la satisfaction client. Pour elles, l’impact est marginal. Les acteurs les plus exposés sont les petites structures centrées sur la prospection pure, avec des modèles économiques fragiles reposant sur des rémunérations exclusivement liées au résultat.
La nouvelle régulation les protège en réalité d’un modèle instable, peu soutenable et psychologiquement éprouvant pour les téléconseillers. Les opérateurs soulignent d’ailleurs que cette mesure est une avancée sociale. Elle libère des milliers de téléconseillers d’une activité dont l’usure, la charge émotionnelle et la répétitivité étaient connues.
En éliminant un créneau pénible, la filière renforce sa capacité à attirer et fidéliser les talents. Elle revalorise les métiers, en cohérence avec les ambitions de Maroc Digital 2030, qui place la montée en compétence et l’évolution professionnelle au cœur des priorités nationales.
Une montée en valeur accélérée par l’intelligence artificielle
La transformation technologique constitue l’autre grande dynamique du secteur. L’IA ne remplace pas les conseillers, mais modifie profondément la nature de leur travail. Les tâches automatisables disparaissent, tandis que les missions nécessitant empathie, analyse et décision gagnent en importance. Les opérateurs marocains l’ont bien compris. Ils investissent massivement dans les plateformes cloud, les outils conversationnels augmentés et les centres de données, mais surtout dans la formation.
La montée vers des emplois plus qualifiés est déjà visible, modération multilingue, gestion de parcours clients complexes, assistance technique de niveau supérieur, analyse des données d’interaction. Les programmes d’upskilling deviennent un pilier stratégique, et les collaborateurs en sont les premiers bénéficiaires.
Cette évolution soutient l’emploi. Contrairement aux idées reçues, l’IA ne détruit pas les postes dans le secteur marocain de l’outsourcing ; elle les transforme. Elle offre des trajectoires professionnelles plus valorisantes et durables, et permet au Maroc de rester compétitif face à de nouveaux hubs d’externalisation.
Un repositionnement gagnant pour le Maroc
L’enjeu dépasse la seule dimension sociale. Le Maroc renforce son positionnement international. Grâce à une offre qui gagne en sophistication et à un capital humain mieux formé, le pays s’affirme comme un centre de services intelligents plutôt qu’un simple réservoir de main-d’œuvre. La nouvelle réglementation française agit comme un catalyseur.
Elle accélère la transition vers une industrie plus responsable, plus qualitative, plus technologique et plus conforme aux attentes des donneurs d’ordre. Elle soutient aussi les ambitions du contrat-programme 2024-2030 et de la stratégie Maroc Digital 2030, qui visent à faire du Royaume un acteur majeur de l’économie numérique africaine.
Ainsi, le secteur de l’externalisation au Maroc entre dans une nouvelle phase. Il laisse derrière lui les pratiques les plus pénibles, renforce sa crédibilité, protège ses PME, et accompagne sa main-d’œuvre vers des métiers plus riches et plus durables. La technologie, loin d’être une menace, devient le moteur de cette transformation. En réalité, la fin du démarchage téléphonique non sollicité n’est pas la fin d’un modèle. C’est le début d’un modèle meilleur, plus solide, plus humain et plus aligné sur les ambitions du Maroc.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO

