Economie

Le Maroc dévoile les contours de son futur cadre légal pour les crypto-actifs

En soumettant un projet de loi dédié aux crypto-actifs, le Maroc tourne la page du flou juridique. Reconnaissant ces actifs sans leur conférer le statut de monnaie, le texte encadre les plateformes, les stablecoins et la conservation, avec un double objectif : protéger l’épargne et préserver la stabilité financière tout en stimulant l’innovation.

Le Maroc s’apprête à franchir une étape décisive dans sa régulation financière avec un projet de loi dédié aux crypto-actifs, soumis à consultation publique fin octobre. Ce texte fondateur vise à établir un cadre juridique clair pour un secteur longtemps non réglementé. Sans leur accorder le statut de monnaie, le projet reconnaît les crypto-actifs comme une classe d’actifs à part entière, avec un double objectif : protéger les épargnants et préserver la stabilité du système financier national.

La nouvelle législation met fin à l’ambiguïté qui entourait les monnaies numériques. Le projet de loi stipule que les particuliers ne pourront acquérir des crypto-actifs, comme le bitcoin, que par l’intermédiaire de plateformes de services sur actifs numériques (PSAN) dûment agréées par les autorités marocaines. Ces dernières seront tenues d’appliquer des procédures strictes de connaissance du client (KYC) et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT). De plus, les transactions de gré à gré réalisées en dehors de ce circuit officiel seront interdites, une mesure forte visant à endiguer les flux financiers opaques, les escroqueries et les pratiques informelles qui ont accompagné l’essor de ce marché.

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Le texte impose des conditions rigoureuses pour les entreprises souhaitant opérer sur le marché marocain. Les plateformes devront obtenir un agrément préalable, justifier d’un niveau de fonds propres adéquat, et se soumettre à des audits réguliers. L’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) se verra confier des pouvoirs de supervision étendus, incluant la possibilité de nommer des administrateurs provisoires ou de liquider des entités en difficulté.

Une attention particulière est portée aux stablecoins. Toute émission devra recevoir l’approbation de Bank Al-Maghrib, être adossée à des réserves crédibles et auditables, et garantir un droit de rachat permanent à la valeur nominale. Les émetteurs devront également publier un livre blanc détaillé, une exigence de transparence inspirée par les effondrements spectaculaires de certains projets internationaux. Pour protéger les consommateurs, le projet impose une séparation stricte entre les avoirs des clients et les fonds propres des plateformes, une leçon tirée des faillites retentissantes du secteur.

En consolidant la sécurité juridique, ce dispositif répond à une priorité claire : prévenir les dérives spéculatives et les risques systémiques. Cependant, selon les experts, cette approche prudente pourrait freiner l’innovation. La réglementation envisagée, jugée plus stricte que le cadre européen MiCA, réserve de facto l’émission et la gestion des crypto-actifs aux acteurs financiers les plus robustes, comme les banques. Ce choix risque de limiter le champ d’action des fintechs et des start-ups spécialisées dans la blockchain, qui sont souvent les moteurs de l’innovation.

 Le défi pour le Maroc sera donc d’articuler cette exigence de stabilité avec la nécessité de ne pas étouffer le potentiel de la nouvelle économie numérique, par exemple via des dispositifs d’expérimentation contrôlée (sandboxes réglementaires). L’enjeu est de taille : sécuriser l’écosystème financier tout en restant compétitif sur la scène technologique de l’innovation mondiale.

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