Economie

Le Maroc privilégie la régularisation plutôt que la prison

Le Maroc modernise en profondeur le régime des chèques sans provision. Loin d’une dépénalisation, la réforme privilégie la régularisation rapide du paiement et la protection du créancier, tout en maintenant la sanction pénale en ultime recours. Objectif : sécuriser les transactions, préserver le tissu économique et rétablir la confiance autour d’un instrument de paiement clé.

Le Maroc s’apprête à tourner une page importante de sa législation sur les chèques sans provision. Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’une dépénalisation pure et simple, mais d’une réforme visant davantage de souplesse et de pragmatisme. L’objectif est clair : encourager le paiement et préserver le tissu économique, sans pour autant déresponsabiliser les émetteurs. Une approche renouvelée qui cherche à concilier la protection des créanciers, la responsabilisation et la relance des débiteurs, ainsi que la préservation de la santé de l’économie nationale.

Selon nos confrères de Le360, l’émission d’un chèque sans provision était lourdement sanctionnée par le Code de commerce (article 316), avec des peines allant d’un à cinq ans de prison et des amendes pouvant atteindre 10.000 dirhams. Si cette approche se voulait dissuasive, elle a montré ses limites et engendré des effets pervers. Comme le souligne Hicham Mellati, directeur des Affaires pénales au ministère de la Justice, l’incarcération systématique avait des conséquences désastreuses, paralysant des entreprises, détruisant des emplois et, paradoxalement, privant souvent le bénéficiaire de toute chance de recouvrer son dû. La répression immédiate se transformait en une impasse économique et sociale.

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La nouvelle loi opère un changement de paradigme. La sanction pénale demeure, mais comme dernier recours. Le cœur de la réforme réside dans une procédure de régularisation encadrée : l’émetteur d’un chèque sans provision dispose d’un délai d’un mois, sous contrôle judiciaire, pour s’acquitter des sommes dues. Ce délai peut être prolongé d’un mois supplémentaire avec l’accord du bénéficiaire. En cas de paiement, la procédure s’éteint immédiatement. Le message est explicite : privilégier le règlement effectif plutôt que l’emprisonnement. Les peines d’emprisonnement sont par ailleurs réajustées (de six mois à deux ans), assorties d’amendes comprises entre 5.000 et 20.000 dirhams, tandis que l’accent est mis sur la solution amiable et graduée.

Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation du Code de commerce, destiné à renforcer la confiance dans l’ensemble des instruments de paiement. Selon des éléments officiels, cet assouplissement ne diminue pas la valeur du chèque : en limitant les effets destructeurs d’une incarcération systématique, il cherche au contraire à rétablir la confiance des citoyens et des commerçants. Le bénéficiaire reste au centre du dispositif : il peut être payé à tout moment de la procédure et conserve l’intégralité de ses voies d’exécution forcée en cas d’échec de la régularisation.

En choisissant une voie médiane, le Maroc s’inspire des tendances internationales sans calquer de modèle unique. Il adapte sa législation à ses réalités économiques et sociales : faire de la régularisation la priorité, maintenir la discipline grâce à la possibilité de sanction, et instaurer un climat de confiance auprès des acteurs économiques. Au total, cette réforme représente une avancée significative pour l’environnement des affaires, susceptible d’inspirer d’autres pays en quête d’un meilleur équilibre entre justice et efficacité économique.

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