Economie

les géants de la tech face au test des résultats trimestriels

Cette semaine, les salles de marché de Wall Street bourdonnent d’un calme étrange, presque cérémonieux. Ce n’est ni la peur, ni l’exubérance. C’est une attente lourde de conséquences, celle qui précède les révélations des grandes puissances numériques : Alphabet, Tesla et Microsoft.

À quelques heures de la publication de leurs résultats trimestriels, ce sont moins les chiffres que les récits qui seront scrutés. Car ces entreprises, véritables États dans l’économie globale, ne sont pas seulement jugées à l’aune de leur performance comptable. Elles incarnent des visions, elles dictent des cycles, elles réorganisent des industries entières. Et lorsqu’elles éternuent, c’est l’ensemble du marché mondial qui risque de s’enrhumer.

Un sommet fragile

Ces derniers mois, les indices boursiers américains ont tutoyé les sommets. Le S&P 500, le Nasdaq, tous ont progressé sur la foi d’une conviction : l’intelligence artificielle représente une révolution technologique sans précédent. Et à la tête de cette révolution, on retrouve les « Magnificent Seven », ce cercle très fermé d’entreprises capables de faire ou de défaire une tendance à elles seules.

Mais aujourd’hui, cette dynamique semble suspendue à un fil. Les investisseurs ne remettent pas en question l’ampleur du changement en cours, mais s’interrogent sur sa traduction concrète : les promesses d’IA sont-elles déjà rentables ? Les coûts d’infrastructure pèsent-ils plus lourd que prévu ? Et surtout, ces entreprises, portées aux nues, sont-elles capables de surprendre positivement alors même que les attentes sont devenues astronomiques ?

Tesla, le mirage électrique

L’attention se concentre tout particulièrement sur Tesla. Le constructeur californien, longtemps perçu comme un pionnier de la mobilité propre, est aujourd’hui un symbole de l’ambivalence du moment.

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Les chiffres attendus pour ce trimestre sont en berne. Les ventes ont ralenti, les marges se sont contractées, et les analystes anticipent une chute à deux chiffres des bénéfices. Mais dans un retournement presque ironique, ce n’est plus la voiture électrique qui fait rêver mais le robotaxi, l’IA embarquée, les promesses toujours renouvelées d’un Elon Musk qui cultive l’ambiguïté comme un levier de persuasion.

Wall Street, malgré tout, continue de croire à une renaissance parce que Tesla vend plus mais aussi parce qu’elle pourrait faire partie de cette génération d’entreprises qui redéfinira l’intelligence autonome.

Alphabet : l’empire vacille-t-il ?

Google, longtemps considéré comme le moteur omniscient du web, traverse une phase d’introspection. Certes, les résultats ne devraient pas décevoir : les revenus publicitaires restent solides, YouTube continue d’absorber l’attention des jeunes générations, et le cloud progresse.

Mais une menace plus sourde s’installe. Les chatbots conversationnels, dont ChatGPT est le plus connu, viennent défier le modèle même de la recherche traditionnelle. Pourquoi taper une requête quand on peut dialoguer avec une intelligence artificielle qui synthétise tout pour vous ?

Alphabet a réagi, en injectant des milliards dans son propre modèle IA, Gemini, et en tentant d’infuser cette technologie dans tous ses services. Mais le pari est risqué. Trop lent, et l’entreprise pourrait se faire déborder. Trop rapide, et elle pourrait cannibaliser son propre modèle économique. L’équilibre est aussi stratégique que périlleux.

Microsoft : la constance d’un géant

En comparaison, Microsoft semble évoluer avec une grâce tranquille. Porté par le succès d’Azure, sa plateforme cloud, et par sa collaboration stratégique avec OpenAI, le groupe fondé par Bill Gates continue de surprendre.

L’intégration de l’intelligence artificielle dans la suite bureautique (via Copilot), les investissements en infrastructure, et la discipline financière de son management ont convaincu les marchés. Mais là encore, le danger vient moins d’un échec visible que d’un triomphe jugé insuffisant. Dans un environnement où tout le monde attend des miracles, même une performance correcte peut faire l’effet d’une déception.

L’arrière-plan géopolitique : une ombre persistante

À cette tension économique s’ajoute une couche géopolitique complexe. La promesse de Trump de taxer plus sévèrement les importations, notamment chinoises et européennes, fait craindre une fragmentation accrue du commerce mondial.

Par ailleurs, les tensions monétaires, alimentées par les critiques contre la Réserve fédérale, ajoutent à la nervosité ambiante. Si l’inflation rebondit ou si les taux restent élevés plus longtemps que prévu, la croissance des entreprises technologiques pourrait se heurter à un plafond de verre.

Ce qui se joue cette semaine dépasse de loin une série de rapports trimestriels. C’est une épreuve de vérité pour une génération d’entreprises qui prétend dessiner l’avenir. Si leurs promesses s’incarnent dans des résultats concrets, les marchés leur accorderont un nouveau souffle. Mais dans le cas contraire, la désillusion pourrait être brutale.

Et dans cette tempête feutrée où la foi et le doute cohabitent, Wall Street continue d’attendre…

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