Economie

Marrakech face au reflux estival du tourisme

Le reflux est brutal. Après une année 2024 portée par un engouement touristique rarement égalé, le mois de juillet 2025 marque un tournant inattendu pour le secteur hôtelier de Marrakech. Les premiers relevés d’occupation hôtelière révèlent une baisse inquiétante, estimée entre -15 % et -25 % par rapport à la même période l’an dernier, selon les remontées d’information compilées par l’Association Régionale de l’Industrie Hôtelière (ARIH) de Marrakech-Safi, citées par Premium Travel News.

L’année précédente avait placé Marrakech au zénith : reprise des grands événements, retour massif des Marocains résidant à l’étranger (MRE), Ramadan positionné sur avril, effet post-Covid encore palpable. Une combinaison de facteurs exceptionnels qui, rétrospectivement, avait surévalué les performances structurelles du secteur. En 2025, la correction est rude. Un recul qui surprend d’autant plus qu’il touche également les établissements de gamme supérieure, réputés pour leur résilience.

Les professionnels du tourisme en conviennent : juillet renoue avec sa dynamique traditionnelle, en tant que mois de transition. Historiquement, il s’inscrit entre les pics d’avril-mai et ceux de septembre-octobre, périodes privilégiées par une clientèle en quête de climat tempéré et d’expériences culturelles immersives. Mais l’édition 2025 se singularise par une météo extrême : des températures atteignant et dépassant les 46 °C dès les premiers jours du mois. Cette canicule rend la destination moins attractive pour les marchés européens en quête de fraîcheur et de confort.

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En parallèle, les stations côtières de la Méditerranée et de l’Atlantique enregistrent un regain d’intérêt. Saïdia, Al Hoceima, Essaouira, Agadir ou encore les Canaries apparaissent comme des alternatives naturelles, portées par un climat plus clément et une offre balnéaire structurée. La tendance révèle une évolution des attentes : le concept de « fraîcheur active » supplante les attraits du soleil sec de l’intérieur du pays.

Certains établissements résistent. Ceux ayant su articuler une offre cohérente – animation, qualité de service, gastronomie, rapport qualité-prix – maintiennent des taux d’occupation honorables, notamment auprès d’une clientèle nationale familiale fidèle. En revanche, les hôtels urbains de catégorie intermédiaire (3 et 4) sans signature forte subissent de plein fouet la baisse de la demande et la concurrence régionale.

Ce ralentissement n’est pas seulement conjoncturel. Il révèle des fragilités plus profondes du modèle touristique local. Marrakech continue de pâtir d’une congestion persistante : files interminables à l’aéroport Menara, procédures d’accueil alourdies, embouteillages chroniques, manque criant de taxis et arrêt partiel des lignes touristiques urbaines. Les travaux mal synchronisés et les nuisances sonores nocturnes dans certains quartiers dégradent l’expérience globale. De surcroît, la diaspora MRE – habituellement moteur de fréquentation estivale – semble marquer le pas cette année.

Un marketing territorial en panne de vision ?

Les professionnels interrogés pointent également une faiblesse structurelle : l’absence d’une stratégie de marketing territorial pérenne, fondée sur des données tangibles et portée par une gouvernance claire. La promotion de Marrakech reste morcelée, trop dépendante d’événements ponctuels ou d’initiatives privées, sans narration cohérente à l’échelle internationale. Dans un environnement concurrentiel dominé par des destinations qui investissent massivement dans leur image – Portugal, Égypte, Grèce – le retard marocain devient criant.

Ce constat d’érosion progressive impose une prise de conscience. Marrakech conserve des atouts puissants : qualité des infrastructures, richesse culturelle, art de vivre reconnu. Mais ces acquis ne suffiront plus à compenser les faiblesses opérationnelles et stratégiques.

La baisse du taux d’occupation en juillet 2025 ne saurait être banalisée. Elle constitue un indicateur avancé d’une transformation structurelle du comportement des touristes et d’un essoufflement du modèle actuel. Marrakech ne peut se contenter d’un sursaut conjoncturel. Ce qu’exige la ville, c’est une recomposition en profondeur de son offre estivale, un repositionnement stratégique à moyen terme, et une gouvernance touristique repensée.

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