Economie

La Bourse de Casablanca franchit les 1 000 milliards de dirhams

Le cap symbolique du billion de dirhams de capitalisation boursière a été franchi. La Bourse de Casablanca affiche désormais une capitalisation globale de 1 007 milliards de dirhams (MMDH), traduisant une certaine résilience des valeurs cotées dans un contexte économique encore incertain. Derrière ce chiffre record se dessinent toutefois des déséquilibres structurels persistants dans la composition sectorielle du marché, avec une prédominance marquée du secteur bancaire et une concentration inquiétante des capitalisations.

Le podium des plus fortes capitalisations est sans équivoque : Attijariwafa Bank mène le classement avec 155,97 milliards de dirhams, suivie par Itissalat Al-Maghrib (106,37 MMDH) et TAQA Morocco (70,41 MMDH). Ces trois sociétés concentrent à elles seules près de 332 milliards de dirhams, soit plus de 33 % de la capitalisation globale. Ce trio reflète à la fois la solidité financière des grands groupes bancaires et para-étatiques, et la faible diversification sectorielle de la cote casablancaise.

Les autres poids lourds du marché s’inscrivent dans la même logique : Managem (65,25 MMDH), BCP (64,04 MMDH) et SODEP-Marsa Maroc (63,86 MMDH) complètent la liste des valeurs à plus de 60 milliards. Notons également la présence de deux autres établissements financiers parmi les dix premiers : Bank of Africa (58,01 MMDH) et LafargeHolcim Maroc (45,92 MMDH), ce dernier représentant le secteur des matériaux de construction.

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L’analyse sectorielle confirme cette concentration. Le secteur bancaire représente 31,61 % de la capitalisation totale, soit plus de 318 milliards de dirhams. Il demeure l’ossature du marché boursier marocain, mais cette centralité, si elle reflète le poids réel de la finance dans l’économie nationale, pose la question de la vulnérabilité du marché en cas de chocs affectant ce secteur.

En comparaison, les secteurs des télécommunications (10,55 %) et des mines (7,28 %) pèsent bien moins lourd. Le secteur des bâtiments et matériaux de construction affiche une part relativement modeste de 12,35 %, malgré la présence de LafargeHolcim Maroc, TGCC S.A (30,81 MMDH) et Ciments du Maroc (29,73 MMDH) parmi les dix premières valeurs.

Le segment dit « Autres », qui englobe diverses activités (agroalimentaire, logistique, distribution, énergie, etc.), représente 38,20 % de la capitalisation, soit une part significative. Cette catégorie, hétérogène par nature, témoigne de la fragmentation du reste du marché et souligne l’absence de secteurs industriels fortement représentés en Bourse. Aucun acteur du secteur technologique, par exemple, ne figure dans les dix premières capitalisations.

Ce constat met en exergue le défi structurel auquel la place casablancaise reste confrontée : l’élargissement de sa base sectorielle pour refléter de manière plus fidèle la composition de l’économie réelle. Le poids relatif du secteur agricole, du commerce, du tourisme ou encore de l’innovation est quasi-inexistant sur les marchés financiers, alors même que ces secteurs représentent des parts significatives du PIB national.

Une croissance quantitative à relativiser

Le franchissement du seuil symbolique des 1 000 milliards de dirhams de capitalisation ne saurait masquer les limites de ce modèle de croissance boursière. Si les valeurs de tête se consolident et attirent l’essentiel des flux, le reste du marché demeure peu liquide, et souvent déserté par les investisseurs institutionnels comme par les particuliers. La rotation sectorielle reste faible, la profondeur de marché limitée et l’introduction de nouvelles valeurs rares.

Pour mémoire, le Maroc peine toujours à attirer de nouvelles IPO (introductions en bourse), malgré les tentatives répétées des autorités de marché et des régulateurs pour en dynamiser la cadence. L’absence de grandes entreprises technologiques, la faible représentation des PME et la rareté des entreprises innovantes sur la place illustrent ce retard structurel.

La question de la diversification sectorielle du marché boursier ne relève pas uniquement d’un enjeu financier, mais d’un impératif économique. Une Bourse plus représentative de l’économie nationale permettrait de mieux canaliser l’épargne vers les secteurs stratégiques, d’encourager la transparence et la gouvernance des entreprises, et d’amplifier le rôle de la finance dans la croissance durable.

La montée en puissance de la finance verte, les ambitions en matière d’hydrogène, de digitalisation ou d’agro-industrie pourraient, à terme, offrir de nouveaux relais de croissance à la Bourse de Casablanca. Encore faut-il que les conditions de marché, les incitations fiscales et le climat de confiance soient réunis pour accompagner cette mutation.

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