Les créances en souffrance culminent à 101 MMDH
Malgré une reprise partielle du crédit, les fragilités persistent dans le secteur bancaire marocain. Selon BMCE Capital Global Research, les créances en souffrance ont atteint 101 milliards de dirhams à fin mai 2025, portant le taux de contentieux à 8,8 %. Un signal d’alerte qui s’ajoute au recul du taux de transformation, reflet d’une prudence accrue des banques.
Si les derniers chiffres publiés par Bank Al-Maghrib font état d’un redémarrage mesuré de l’activité de crédit, une lecture attentive des fondamentaux bancaires révèle des tensions toujours vives, notamment en matière de qualité des actifs. Dans une note d’analyse rendue publique début juillet, BMCE Capital Global Research alerte sur deux signaux préoccupants : la montée continue des créances en souffrance et le recul du taux de transformation bancaire. Deux indicateurs qui invitent à nuancer la lecture d’une reprise encore incomplète et inégalement répartie.
À fin mai 2025, l’encours des créances en souffrance atteint 101 milliards de dirhams, en hausse de 3,6 % depuis le début de l’année et de 4,6 % sur douze mois. Le taux de contentieux – qui rapporte ces créances douteuses à l’encours global des prêts – ressort à 8,8 %, en légère dégradation par rapport à avril (8,7 %). Si cette évolution peut paraître modeste, elle confirme une tendance de fond inquiétante, dans un contexte où plusieurs catégories d’emprunteurs restent vulnérables.
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Selon les analystes de BMCE Capital Global Research, cette détérioration de la qualité du portefeuille de crédit s’explique par les fragilités persistantes de certaines TPE/PME, mais aussi par la situation financière tendue de nombreux ménages à revenus modestes, durement affectés par l’inflation et le ralentissement de l’activité informelle. En parallèle, les procédures de recouvrement demeurent longues et complexes, ce qui accroît le stock d’impayés structurels.
Cette situation pourrait, à moyen terme, contraindre les banques à renforcer leurs exigences de garanties ou à opérer un recentrage encore plus strict sur les clientèles les mieux notées. Le risque ? Une limitation accrue de l’accès au crédit pour les acteurs les plus fragiles, au détriment de la relance inclusive prônée par les pouvoirs publics.
Dépôts en hausse, mais prudence des banques sur le crédit
Paradoxalement, cette détérioration qualitative intervient dans un contexte de forte progression des dépôts bancaires. À fin mai 2025, ceux-ci enregistrent une hausse annuelle de 8,2 %, atteignant un encours de 1 268,7 milliards de dirhams. Cette amélioration reflète une confiance renouvelée des ménages et des entreprises envers le système bancaire, ainsi qu’un effet mécanique lié à la désinflation progressive observée depuis le début de l’année.
Mais cette manne financière n’est que partiellement mobilisée par les établissements de crédit. Le taux de transformation, indicateur qui mesure la proportion des dépôts transformés en crédits, recule à 90 %, contre 94 % un an plus tôt. Cette baisse, bien que technique, témoigne d’une gestion plus conservatrice des ressources. Pour BMCE Capital Global Research, ce mouvement traduit la prudence accrue des banques dans un environnement encore marqué par l’incertitude – qu’il s’agisse de la conjoncture internationale, du comportement des agents économiques ou de l’évolution de la réglementation prudentielle.
Face à cette situation, BMCE Capital Global Research recommande une vigilance renforcée sur la qualité des actifs et une approche différenciée du financement, centrée sur les besoins prioritaires de l’économie réelle. Cela implique de réconcilier discipline prudentielle et inclusion financière, en adaptant les modèles de scoring, en assouplissant certaines garanties, ou en recourant davantage aux mécanismes de garantie publique.
Pour les autorités monétaires, la priorité sera de préserver la solidité du système bancaire tout en encourageant la fluidité du crédit, dans un contexte où les tensions sociales et économiques nécessitent un soutien ciblé des circuits de financement. La Banque centrale pourrait ainsi continuer d’ajuster ses instruments de refinancement, tout en veillant à ne pas créer d’effets d’éviction sur les segments les plus exposés.