Economie

le compte à rebours est lancé

Le projet de tunnel reliant le Maroc à l’Espagne quitte progressivement le registre des annonces pour entrer dans une phase plus concrète. Les dernières études techniques confirment sa faisabilité et esquissent désormais un calendrier, relançant un chantier stratégique qui concerne directement les deux rives du détroit de Gibraltar.

La liaison fixe entre le Maroc et l’Espagne franchit ainsi une étape décisive, dépassant le seul cadre technique pour s’inscrire dans une vision stratégique de long terme, reliant deux rives, deux continents et deux partenaires appelés à approfondir leur coopération. À l’issue d’une étude de faisabilité confiée par la Société espagnole d’Études pour la Communication fixe à travers le détroit de Gibraltar (SECEGSA) à l’entreprise allemande Herrenknecht, référence mondiale dans le domaine des tunneliers, la construction d’un tunnel ferroviaire sous-marin est désormais jugée techniquement réalisable avec les technologies actuellement disponibles.

Selon ce rapport, relayé par la presse espagnole, une première phase du projet pourrait être achevée dans un délai compris entre six et neuf ans. L’horizon global pour la réalisation des principales étapes est désormais situé entre 2035 et 2040. Cette avancée intervient après la relance officielle du projet décidée lors des rencontres tenues à Rabat en 2023, au cours desquelles les deux gouvernements avaient convenu de réactualiser les études techniques, mettant ainsi fin à une longue période marquée par des travaux préliminaires sans traduction opérationnelle.

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Le tunnel projeté s’étendrait sur environ 65 kilomètres, dont une large section sous-marine, traversant le détroit de Gibraltar à une profondeur pouvant atteindre 475 mètres. Si seulement 14 kilomètres séparent géographiquement le nord du Maroc du sud de l’Espagne au point le plus étroit, la complexité géologique et maritime de la zone a toujours constitué un défi majeur.

À cet égard, le rapport souligne que le passage sous le « seuil de Camarinal » représente l’un des segments les plus sensibles du tracé, en raison de conditions géologiques particulièrement exigeantes, nécessitant une ingénierie de très haut niveau et une planification rigoureuse. Sur le plan financier, le coût global du projet est estimé à environ 8,5 milliards d’euros. Cette enveloppe comprend la réalisation d’une galerie de reconnaissance – élément clé pour confirmer les caractéristiques géotechniques du sous-sol – ainsi que les tunnels définitifs, les terminaux d’accès et l’ensemble des équipements techniques associés.

Transformer un rêve géopolitique en infrastructure concrète
Les experts soulignent que cet investissement doit être analysé à l’aune de ses retombées stratégiques, économiques et logistiques, non seulement pour les deux pays, mais aussi pour l’espace euro-méditerranéen et africain.

Dans ce cadre, SECEGSA a confié à l’entreprise publique espagnole spécialisée dans l’ingénierie et la planification des transports, INECO, la mission de finaliser la mise à jour de l’avant-projet initial, lancé en 2021. Ce travail, attendu d’ici août 2026, portera notamment sur la conception détaillée de la galerie de reconnaissance, la révision des études antérieures, ainsi que l’actualisation du tracé et des données géologiques et géotechniques. Cette phase préparatoire constitue un jalon déterminant avant toute décision finale de lancement des travaux.

Côté espagnol, le terminal nord du tunnel serait implanté à Vejer de la Frontera. Il serait raccordé au réseau ferroviaire existant via la ligne Cadix–Séville, avec une bifurcation à double voie, ainsi qu’une connexion à voie unique vers Algesiras. Des liaisons routières, notamment avec la N-340 et l’A-48, sont également prévues afin d’assurer une intégration fluide aux infrastructures de transport existantes.

Sur la rive sud, le Maroc s’inscrit comme un partenaire central de ce projet, dans la continuité de sa stratégie visant à renforcer sa connectivité, son rôle logistique et son positionnement à l’interface entre l’Europe et l’Afrique.

Au-delà de l’ouvrage lui-même, cette liaison fixe revêt une portée politique et stratégique majeure. Elle symbolise la maturité du partenariat maroco-espagnol, fondé sur la coopération, la stabilité et une vision partagée du développement régional. Elle s’inscrit également dans l’ambition du Maroc de consolider son statut de hub continental, capable de relier les flux humains, commerciaux et ferroviaires entre deux continents et de s’intégrer aux grands corridors de transport internationaux.

Si les défis techniques, logistiques et financiers demeurent importants, le feu vert technique accordé par les experts marque un tournant. Le projet de tunnel sous le détroit de Gibraltar n’est plus seulement une idée portée par l’histoire et la géographie, mais un chantier structuré, inscrit dans le temps et porté par des acteurs institutionnels et industriels de premier plan.

Pour le Maroc, cette avancée confirme sa place au cœur des grandes transformations régionales et sa capacité à s’engager, avec ses partenaires, dans des projets à forte valeur stratégique.

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