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Le Maroc est-il en train de redéfinir les règles de la coopération pragmatique ?

Dans un contexte international marqué par l’érosion de la confiance et la recomposition des équilibres, un rapport international de référence met en lumière le positionnement du Maroc comme un acteur capable de maintenir le dialogue, d’accompagner les dynamiques de médiation et d’anticiper les mutations économiques liées aux nouvelles règles du commerce mondial.

La troisième édition du rapport Beyond Global Polarization: New Cooperation Wanted, publiée en décembre 2025 par l’Institut italien pour les Études de politique internationale (ISPI), l’Observer Research Foundation (ORF) et le Policy Center for the New South (PCNS), propose une lecture structurée du positionnement du Maroc au sein d’un système international marqué par la fragmentation et la recomposition des cadres de coopération.

S’appuyant sur des données économiques, diplomatiques et géopolitiques, le document analyse la capacité du Royaume chérifien à maintenir des passerelles fonctionnelles entre des espaces souvent cloisonnés, à un moment où la confiance est devenue une ressource rare dans les relations internationales.

Selon les auteurs du rapport, la dégradation des mécanismes classiques de gouvernance mondiale conduit les États à privilégier des formats de coopération plus souples, fondés sur « une confiance minimale, la communication et des formes de coopération ciblées ». Dans ce cadre, le rapport souligne que la réactivation de ces mécanismes passe par un recours accru à des canaux non officiels, notamment la diplomatie dite de second niveau, dans laquelle universitaires, acteurs religieux, représentants de la société civile et figures culturelles contribuent à maintenir le dialogue lorsque les négociations formelles sont bloquées.

C’est dans cette configuration que le Maroc est cité comme un État en mesure de conserver des canaux ouverts avec des parties multiples, y compris dans des environnements régionaux sensibles. Le rapport relève qu’à l’instar d’autres pays positionnés en dehors des logiques d’alignement rigide, le Royaume a su préserver une capacité de médiation reconnue. Il rappelle, à ce titre, l’implication marocaine dans la facilitation du dialogue entre les parties libyennes, une démarche inscrite dans une approche africaine et multilatérale du règlement des crises.

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Les enjeux économiques du mécanisme carbone européen

Au-delà de la dimension diplomatique, le rapport consacre une analyse approfondie aux implications économiques du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne, dont l’entrée en application est prévue à partir de janvier 2026. Ce dispositif vise à aligner le prix des importations de produits intensifs en carbone sur le système européen d’échange de quotas d’émissions, afin de limiter les fuites de carbone et d’encourager des modes de production à plus faible intensité d’émissions.

Pour les pays du sud de la Méditerranée, dont le Maroc, l’enjeu est immédiat car la compétitivité dépendra désormais de la crédibilité des empreintes carbone des produits exportés, de l’origine de l’électricité utilisée et de la capacité à financer les adaptations industrielles nécessaires.

Les données présentées dans le rapport indiquent que le Maroc représentait 1,2 % du commerce extérieur de biens de l’Union européenne en 2024, tandis que le marché européen absorbait 59 % des échanges commerciaux marocains. Les exportations marocaines vers l’Union sont principalement dominées par les véhicules, les équipements électriques et l’habillement. Les produits directement couverts par le mécanisme carbone ne représentaient toutefois que 4 % des exportations marocaines vers l’Union en 2023.

Ces flux concernaient essentiellement les engrais, suivis du fer et de l’acier, puis de l’aluminium. Le rapport note également que le Maroc figure parmi les rares pays méditerranéens exportant de l’électricité vers l’Union européenne, un élément qui renforce son positionnement stratégique.

L’analyse souligne que la capacité du Maroc à préserver la compétitivité de ses exportations dépendra largement de la reconnaissance, par l’Union européenne, des empreintes carbone établies au niveau des produits et des caractéristiques de l’électricité utilisée. Cette reconnaissance pourrait notamment s’appuyer sur des contrats d’achat d’électricité, des installations renouvelables sur site ou d’autres mécanismes de traçabilité acceptés par les autorités européennes.

S’agissant des engrais, le rapport rappelle que les exportations vers l’Union sont assurées par le groupe OCP, opérateur public en charge des réserves nationales de phosphates. Les engagements annoncés par le groupe, visant une alimentation intégrale en énergie renouvelable à l’horizon 2027 et la neutralité carbone en 2040, sont présentés comme un facteur de sécurisation des marges, sous réserve que ces efforts soient effectivement reconnus aux frontières européennes.

Enfin, sur le plan géopolitique, le rapport estime que le positionnement du Maroc dans les énergies renouvelables ouvre des perspectives de coopération Sud-Sud, à travers des projets conjoints, des échanges régionaux d’électricité et une harmonisation progressive des normes de mesure et de vérification des émissions, renforçant ainsi son rôle dans les nouvelles architectures de coopération internationale.

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