Economie

le Maroc vers un nouvel horizon de souveraineté

Une note publiée par Global Energy Monitor en 2022 a affirmé que le Maroc occuperait le deuxième rang de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) en termes de production d’énergie renouvelable en 2030.

La dépendance énergétique a longtemps constitué l’un des talons d’Achille du Maroc. En 2016, selon le Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD), à peine 5 % des besoins nationaux étaient couverts par des ressources locales. Cette vulnérabilité structurelle pesait lourdement sur la balance commerciale, fragilisant la sécurité d’approvisionnement du Royaume et exposant son économie aux fluctuations des marchés mondiaux des hydrocarbures.

C’est dans ce contexte contraint qu’a émergé une vision énergétique ambitieuse, faisant de l’exploitation des ressources renouvelables – solaire, éolien, hydraulique – un levier stratégique de souveraineté. Les centrales Noor d’Ouarzazate, les parcs éoliens de Tarfaya et Tanger, ainsi que le développement hydroélectrique constituent aujourd’hui les piliers visibles de cette bascule vers un modèle plus résilient et plus durable.

En 2025, le Maroc consolide sa place de leader continental dans le domaine des énergies propres. Selon la plateforme spécialisée Taqa, la capacité totale installée d’énergies renouvelables atteignait 4,37 gigawatts (GW) en 2024, en hausse de 270 mégawatts (MW) sur un an. L’éolien domine (1 858 MW), suivi de l’hydroélectrique (1 770 MW) et du solaire (817 MW), ce dernier demeurant un pilier de la stratégie nationale.

Le Royaume s’impose aussi dans la nouvelle frontière énergétique : l’hydrogène vert. En mars 2025, cinq consortiums nationaux et internationaux ont été sélectionnés pour piloter six projets d’envergure, représentant un investissement colossal de 319 milliards de dirhams. Implantés principalement dans les provinces du Sud – Laâyoune, Guelmim et Dakhla –, ces projets exploitent un potentiel naturel exceptionnel : ensoleillement continu, vents réguliers et vastes espaces disponibles. Autant de conditions idéales pour alimenter des électrolyseurs de dernière génération et produire un hydrogène compétitif à l’échelle mondiale.

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L’hydrogène vert, pari de souveraineté et d’influence

Cette orientation stratégique ne relève pas seulement d’un impératif énergétique, mais d’un choix géoéconomique. En juin 2025, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Mme Leila Benali, a souligné à la Chambre des représentants que la production prévue de près de 20 GW d’énergie renouvelable dédiée à l’hydrogène vert permettrait au Maroc de couvrir, à l’horizon 2030, plus de 4 % de la demande mondiale. Cette projection inscrit le pays dans les grandes chaînes de valeur industrielles et logistiques internationales, renforçant son rôle de hub énergétique régional et global.

Les retombées attendues sont multiples: création d’emplois qualifiés, stimulation de l’industrie locale, renforcement de l’attractivité pour les investisseurs étrangers. L’hydrogène vert devient ainsi non seulement un vecteur de transition, mais aussi un instrument de soft power, permettant au Maroc de se positionner comme partenaire incontournable de l’Europe en quête de solutions bas carbone.

La Loi de finances 2025 illustre cette priorité avec une enveloppe de 18,2 milliards de dirhams allouée aux énergies renouvelables, financée conjointement par l’État et les entreprises publiques. Plusieurs projets emblématiques témoignent de cette dynamique : l’extension du parc éolien de Nassim Koudia Al Baida (150 MW, 1,2 milliard de dirhams), Nassim Taza II (80 MW, 590 millions de dirhams) ou encore Nassim Tarfaya (50 MW, 404 millions de dirhams). Ces investissements permettent de renforcer la capacité du réseau national, d’intégrer davantage d’électricité verte et d’améliorer la fiabilité énergétique, élément central pour l’industrie et la compétitivité.

La modernisation des infrastructures électriques, avec le développement de réseaux intelligents, s’ajoute à cet effort. Elle vise à mieux gérer l’intermittence des ressources renouvelables et à assurer l’autonomie énergétique des zones rurales. Cette évolution structurelle ancre le Maroc dans une logique de résilience systémique et d’inclusion territoriale.

Un acteur stratégique à la croisée des continents

La part des énergies renouvelables dans le mix électrique national atteint 38,2 % en 2025, selon le Département du commerce des États-Unis, avec un objectif de 52 % fixé pour 2026 et 56 % pour 2030. Le chef du gouvernement, M. Aziz Akhannouch, a notamment affirmé lors de la 16ᵉ Conférence de l’énergie, le 23 avril 2025 à Ouarzazate, que le Maroc se positionne désormais comme un fournisseur stratégique de solutions énergétiques propres pour ses partenaires africains et européens.

Cette progression se traduit également par des gains tangibles en matière de souveraineté. La réduction des importations de combustibles fossiles est estimée à près de 300 millions de dollars par an, libérant des marges budgétaires et renforçant la stabilité macroéconomique.

Reste à surmonter les défis inhérents à une telle transition : financement massif des infrastructures, nécessité de renforcer les compétences locales dans les technologies de pointe, et adaptation des régulations internationales autour du commerce de l’hydrogène vert. Toutefois, les perspectives stratégiques sont claires : en s’appuyant sur son potentiel renouvelable et sa géographie, le Maroc ambitionne de devenir un acteur clé du marché mondial de l’énergie décarbonée, à la croisée de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient.

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