L’Économiste

Mounia El Baaz : “Le business des toilettes est bel et bien possible en Afrique”

Mounia El Baaz
Fondatrice de MOVEELB

Protéger l’environnement passe aussi par des initiatives fortes, dont celle de doter les villes africaines de toilettes pour une meilleure santé publique. C’est dans ce cadre que le Maroc s’apprête à accueillir le tout premier événement dédié aux business des toilettes. Interview avec son initiatrice.

Peut-on parler de business dans le domaine des toilettes en Afrique ?
Ma réponse est un oui catégorique. Les toilettes représentent une nécessité fondamentale et omniprésente. Étant donné que chaque individu les utilise en moyenne cinq fois par jour, ce besoin universel alimente une recherche incessante et sans frontières de solutions à la fois adaptées, hygiéniques, sécuritaires et accessibles à tous, quelles que soient la culture ou la technologie. Quand on parle de «business», on évalue la demande face à l’offre.

Or, le marché mondial des toilettes et des services associés est vraiment géant. Entre 2023 et 2024, le marché des toilettes en céramique a connu un afflux d’investissements mondiaux dépassant 950 millions de dollars, tandis que le dynamisme des toilettes portables en métal s’est confirmé en 2023 avec une part de marché supérieure à 50%.

Actuellement, l’Afrique regorge de talents, de rêveurs et d’innovateurs pour réaliser des solutions locales africaines, et bâtir même des villes intelligentes, à condition que la volonté et la détermination soient au rendez-vous. Les toilettes sont le petit grand projet et les grandes nations touristiques ont compris que la beauté des lieux commence là où l’on veille à la dignité du corps humain.

Comment sensibiliser les pays à investir dans des toilettes et quel est le plus que cela leur rapporte ?
Sensibiliser les pays à investir dans les toilettes, c’est d’abord et en premier lieu changer leur regard envers les toilettes. En deuxième lieu il faut intégrer la Journée mondiale des toilettes, célébrée chaque année le 19 novembre, dans les activités scolaires comme un sujet d’étude scientifique et civique. En troisième lieu, il faut mettre le doigt sur une vérité essentielle : «Toilette/WC» est l’infrastructure que nous utilisons le plus régulièrement, chez nous comme dans l’espace public ou professionnel.

Les pays africains doivent bien saisir que les toilettes ne sont pas un coût, mais un capital : elles réduisent les risques sanitaires et renforcent la marque employeur. Elles deviennent un atout marketing de l’hospitalité du futur. Donc, c’est le moment et l’opportunité pour l’Afrique d’investir dans l’un des marchés les plus prometteurs, les plus humains et les plus continus de toutes les époques. Mais avant d’installer une toilette publique, il est préférable d’impliquer tous les citoyens. Car l’intelligence collective corrige les failles dans les détails.

Quels sont les exemples africains de réussite dans ce domaine ?
On peut citer des essais mais il n’y a pas d’exemples réussis. Comme exemple d’essai, l’Afrique du Sud a adopté la technologie des toilettes à faible chasse pour les nouveaux développements dans les zones touchées par la pénurie d’eau pour faire face aux limites des toilettes à fosse (coûteuses à entretenir et dangereuses pour les habitants). Un autre exemple d’essai à Kibera, au Kenya : on trouve des toilettes qui produisent de l’énergie. Les déchets organiques générés par ces installations sont transformés en biogaz.

L’Afrique prouve que ce business est créateur d’emplois et transformateur de sociétés à travers des essais. Mais à notre avis c’est insuffisant en formes et en normes. Pourquoi ? Parce que premièrement la construction d’une toilette efficace, qu’elle soit domestique ou publique, est une démarche complexe qui doit impérativement respecter des régularités scientifiques et des règles d’environnement et des sensibilités culturelles.

Deuxièmement, le continent africain doit s’émanciper du modèle de la subvention et se tourner vers l’autofinancement en mobilisant le capital privé des banques locales ; ou bien en valorisant les sous-produits et les déchets tels que les engrais, le biogaz ou l’eau réutilisée.

Troisièmement, les indicateurs de performance des nations ne se limitent plus à leurs richesses naturelles, mais la véritable puissance d’une nation repose sur sa capacité à transformer l’imagination en innovation réelle et opérante. Il ne faut pas oublier que l’Afrique est une zone d’expansion stratégique, notamment dans les segments résidentiels, touristiques et institutionnels.

Parlez-nous du «World of Toilet Technology – Conferences & Exhibitions» que le Maroc prévoit d’accueillir en 2026 ?
Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé et de l’UNICEF pour l’année 2025, quelque 354 millions de personnes pratiquent encore la défécation à l’air libre. Parler des toilettes, dans leur essence même, revient donc à parler de la manière dont nous prenons soin des générations futures. C’est à partir de cette conviction que MOVEELB a choisi de reconfigurer cette question vitale sous la forme d’un événement inédit, à la fois national et international.

L’entreprise considère les «toilettes» comme une plateforme d’innovation, un levier de transformation civilisationnelle, et non comme une simple nécessité ou un acte biologique ordinaire. En outre, notre choix d’organiser «The World of Toilet Technology – Conferences & Exhibitions» découle d’une conviction profonde : le triptyque «toilettes – assainissement – technologie» n’est plus une simple question d’infrastructures, mais un défi civilisationnel majeur.

Cet événement, prévu du 19 au 21 novembre 2026, est le premier événement au monde entièrement dédié aux technologies des toilettes, avec un croisement unique entre santé, innovation, investissement et impact social. Nous sommes très fiers de regarder là où les autres détournent leurs visions.

Pourquoi avoir choisi le Maroc, pour accueillir un événement d’une telle envergure ?
Depuis son accession au Trône en 1999, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a conduit un ambitieux processus de développement dans le domaine des infrastructures, s’appuyant sur une vision stratégique globale visant à consolider la position du Maroc en tant que hub logistique régional et continental. Sa Majesté le Roi encourage les initiatives pionnières qui servent l’image du Royaume à l’intérieur comme à l’extérieur, et qui contribuent à attirer les investissements et à renforcer son rayonnement civilisationnel.

De ces faits, et pour contribuer en tant que citoyens marocains pour faire du Royaume un phare de progrès et d’excellence, nous affirmons qu’il est tout à fait possible de transformer un simple lieu de passage, comme les toilettes, en un exemple concret de modernité et de bonne pratique, exportable et applicable dans d’autres cultures à travers le monde. Davantage, dans le cadre des préparatifs majeurs relatif à l’organisation de la Coupe du monde 2030, le sujet des toilettes et des normes qui les encadrent s’impose.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO

Continuer la lecture

Bouton retour en haut de la page