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70% d’importations pour un secteur à 500 millions de dollars de potentiel

Le Maroc, doté d’un patrimoine forestier de neuf millions d’hectares, selon l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), fait face à un paradoxe économique et écologique majeur. Malgré ce potentiel considérable, le pays demeure fortement dépendant des importations pour satisfaire ses besoins en bois, tandis que ses forêts subissent une pression insoutenable, notamment à cause de la surexploitation du bois de chauffage. Cette situation place le secteur à un carrefour stratégique, entre la nécessité de préserver ses écosystèmes et l’ambition de développer une filière industrielle compétitive.

La production nationale de bois d’œuvre et d’industrie, s’élevant à 680 000 mètres cubes par an, ne couvre qu’environ 31% de la demande nationale, estimée à 2,2 millions de mètres cubes, selon le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).  Par conséquent, le Maroc est contraint d’importer près de 70% de ses besoins, ce qui représente une facture annuelle considérable de 220 millions de dollars (environ 2,2 milliards de dirhams) rien que pour le bois de pin. Cette dépendance extérieure pèse sur la balance commerciale du pays et souligne la sous-exploitation des capacités productives nationales, qui ne sont utilisées qu’à 30% de leur potentiel, selon le CESE.

La situation est encore plus critique pour le bois-énergie. La consommation annuelle de bois de feu atteint six millions de tonnes, soit le double de la production durable que les forêts peuvent offrir, qui est de trois millions de tonnes. Cette surexploitation de 200% entraîne une dégradation alarmante du couvert forestier, accélère la désertification qui menace 93% du territoire national, et coûte au pays environ 250 millions de dirhams chaque année en dommages environnementaux, selon le CESE.

Malgré ces défis, le secteur du bois représente un pilier non négligeable de l’économie nationale. Il contribue à hauteur de 1,5% du PIB et génère l’équivalent de 50 000 emplois permanents. L’industrie de transformation, composée d’environ 500 entreprises, affiche une production de plus de trois milliards de dirhams.

Conscient de ces enjeux, le Maroc a lancé la stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 ». Ce plan vise à inverser la tendance en mobilisant 1,25 milliard de dirhams d’investissements pour doubler la production de bois et la porter à 1,42 million de mètres cubes par an. La stratégie prévoit de concéder 120 000 hectares de terres forestières à des investisseurs privés pour des projets de reboisement, en privilégiant des essences à croissance rapide comme l’eucalyptus et le pin. L’objectif est de réduire la dépendance aux importations tout en assurant une gestion durable des ressources.

Le Maroc se trouve à un point d’inflexion. Le défi consiste à concilier l’augmentation de la production industrielle de bois avec la protection impérative de ses écosystèmes forestiers contre la surexploitation énergétique. La réussite de la stratégie nationale sera déterminante pour transformer ce secteur, passer d’une situation de dépendance à un modèle de développement durable et valoriser un potentiel estimé à près de 500 millions de dollars par an.

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Industrie du bois : Un potentiel encore sous-exploité

Au-delà de la seule production de bois d’œuvre, il est essentiel de considérer la valeur socio-économique et la richesse des produits forestiers non ligneux, qui jouent un rôle capital dans l’économie rurale. Selon le CESE, les forêts marocaines font vivre directement près de sept millions de personnes et génèrent entre huit et dix millions de journées de travail annuellement.

Des filières d’excellence, comme l’huile d’argan (1 400 tonnes exportées/an), ainsi que la production de liège (94 000 m³/an), de miel (1 000 t/an) ou d’écorce à tanin (5 000 t/an), illustrent la multifonctionnalité de ces écosystèmes. Cette valorisation des produits non ligneux représente une voie de développement durable, créatrice de revenus pour les communautés locales et moins prédatrice pour la ressource en bois.

Par ailleurs, l’industrie marocaine de transformation du bois, bien que confrontée à des défis d’approvisionnement, fait preuve de résilience et de diversification. Selon une étude de SEREC, le secteur compte près de 500 entreprises générant plus de trois milliards de dirhams de production et proposant plus de 5 000 produits différents. La stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 » ne se limite donc pas au reboisement : elle vise à structurer une chaîne de valeur industrielle durable.

En cherchant à attirer des investissements privés et à déléguer la gestion de parcelles forestières, le Maroc ambitionne de moderniser la filière, d’améliorer son efficacité et de capter une partie des 500 millions de dollars de potentiel inexploité, un chiffre avancé par l’Agence nationale des eaux et forêts et rapporté par Barlamane, transformant ainsi un défi d’approvisionnement en une opportunité de croissance et de montée en gamme.

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