L’Économiste

Critères ESG : le nouveau marqueur de compétitivité

La responsabilité sociétale s’impose plus que jamais comme un critère central de performance pour les grandes entreprises marocaines. D’après l’analyse réalisée par Forvis Mazars dans le cadre des 500 Global 2025, 43% des sociétés du classement se déclarent désormais “responsables”, contre 32% un an plus tôt. Cette progression historique confirme la montée en puissance des démarches RSE et ESG, désormais intégrées à la stratégie et à la gouvernance d’un nombre croissant d’acteurs.

En 2025, l’engagement ESG des grandes entreprises marocaines franchit un nouveau cap. Selon une analyse réalisée par Forvis Mazars dans le cadre des 500 Global 2025, 215 entreprises sur 500 se déclarent désormais «responsables», soit 43% du panel, contre 32% en 2024 et 27% en 2023.

Cette progression de 66 entreprises supplémentaires en un an traduit une professionnalisation accélérée des démarches RSE et ESG. Portée par la pression des bailleurs de fonds, des régulateurs et des partenaires commerciaux, cette dynamique installe durablement la responsabilité sociétale au cœur du modèle productif marocain.

En deux ans, la part d’entreprises engagées a ainsi plus que doublé, confirmant que la durabilité n’est plus une option périphérique, mais un indicateur de crédibilité et de performance.

Les marchés extérieurs, accélérateurs de la transition
L’exposition internationale apparaît comme un facteur déterminant. Parmi les grands exportateurs, 63% se déclarent responsables, contre 55% des exportateurs moyens et 38% des entreprises tournées vers le marché domestique. La formalisation d’une démarche RSE atteint 72% chez les grands exportateurs et 63% chez les moyens.

Près de la moitié d’entre eux (48%) mesurent leur empreinte carbone, contre 35% chez les exportateurs de taille moyenne. L’intégration des critères ESG dans la stratégie concerne 48% des grands exportateurs et 41% des moyens, tandis que l’analyse de matérialité reste encore en retrait (36% et 39%, respectivement).

Cette avance s’explique par les attentes plus fortes des marchés internationaux. Les donneurs d’ordres, les clients et les investisseurs imposent des référentiels de conformité plus stricts, qui favorisent une montée en compétence rapide des entreprises les plus exposées à l’export.

Des écarts sectoriels encore marqués
Tous les secteurs ne progressent pas au même rythme. Le secteur financier reste le plus en avance. 89% des entreprises qui le composent déclarent avoir une démarche RSE ou ESG, contre 56% dans les services, 34% dans l’industrie et 28% dans le commerce.

Les services enregistrent la plus forte hausse sur un an (+18 entreprises engagées), suivis par l’industrie (+6). Le secteur industriel, malgré sa diversité, demeure le plus en retard : 60% des industriels déclarent une démarche RSE, mais seuls 43% appuient cette démarche sur une analyse de matérialité ; 46% intègrent des critères ESG formels et 48% mesurent leur empreinte carbone.

Cette hétérogénéité révèle un enjeu de structuration. La culture ESG est bien amorcée, mais son degré de maturité dépend encore du secteur et du niveau d’exposition réglementaire.

Des actions concrètes et mesurables
Le rapport met en lumière une montée en puissance des initiatives tangibles. 27% des entreprises engagées ont déjà obtenu une certification ISO, et 13% supplémentaires sont en cours de certification ou prévoient de l’obtenir d’ici 2026.

Les thématiques les plus traitées concernent l’efficacité énergétique, la réduction des émissions, la gestion des déchets et la promotion de la diversité. 48% des entreprises mettent en œuvre des actions en faveur de la parité (égalité et équité salariale), tandis que 33% ont renforcé leur gouvernance à travers la création de comités RSE, l’adoption de chartes éthiques, la digitalisation du pilotage ou la mise en place de politiques anticorruption. Ces chiffres confirment que l’ESG au Maroc dépasse désormais le stade du discours : il se traduit par des programmes opérationnels et mesurables.

Une dynamique portée par la régulation et les investisseurs
L’étude souligne que l’évolution observée s’inscrit dans une logique d’accélération, stimulée par la montée en puissance des parties prenantes, institutions financières, autorités de marché et clients internationaux. Si la généralisation de l’engagement responsable progresse rapidement, des marges d’amélioration subsistent, notamment dans la qualité du reporting extra-financier et dans la systématisation de l’analyse de matérialité.

Forvis Mazars identifie trois priorités pour renforcer cette trajectoire. En premier lieu, mieux articuler objectifs et indicateurs grâce à une analyse de matérialité généralisée. Ensuite, il s’agit d’harmoniser les référentiels de reporting et de digitaliser les outils de pilotage. Enfin, il y a lieu d’intégrer plus largement les attentes des investisseurs et régulateurs pour transformer l’ESG en levier de compétitivité durable.

Un tournant structurel
L’édition 2025 des 500 Global consacre donc une étape majeure. Près d’une entreprise sur deux se revendique désormais d’une démarche responsable, et la majorité d’entre elles la traduit en actions concrètes. Cette dynamique consolide la crédibilité internationale du Maroc, qui se positionne comme un modèle émergent de convergence, entre performance économique et durabilité.

La responsabilité sociétale devient ainsi un facteur de différenciation pour les entreprises marocaines, un gage de confiance pour les investisseurs et un levier d’attractivité pour les talents. L’ESG, autrefois réservé à quelques pionniers, s’impose aujourd’hui comme un standard de compétitivité dans un tissu productif en pleine mutation.

Salah Eddine Bennani
Partner, Forvis Mazars

«Il y a une prise de conscience de l’intérêt stratégique du volet ESG. La progression des entreprises marocaines en la matière repose sur plusieurs drivers essentiels. Premièrement, les évolutions réglementaires impactent fortement le secteur financier et bancaire. Les mécanismes comme l’ajustement carbone aux frontières influencent en effet les exportateurs vers l’Europe. Deuxièmement, les relations commerciales, tant avec les clients qu’avec les fournisseurs et bailleurs de fonds, motivent l’engagement.»

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO

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