Economie

L’arrêté n°1314.25, un tournant pour la protection sociale au Maroc

Depuis le 1er octobre 2025, l’arrêté n°1314.25 confère une base juridique aux exonérations des éléments de rémunération hors assiette CNSS. En alignant plafonds sociaux et fiscaux, il encadre indemnités, avantages et non-cumul, impose des justificatifs et sécurise la paie et les contrôles, offrant aux entreprises un cadre clair, opposable, opérationnel et pérenne.

L’édifice de la protection sociale au Maroc vient de connaître une étape déterminante avec l’entrée en vigueur, le 1ᵉʳ octobre 2025, de l’arrêté n°1314.25 du ministère de l’Économie et des Finances. Pour la première fois, les critères et plafonds d’exonération applicables aux éléments de rémunération exclus des cotisations sont formalisés dans un texte juridiquement opposable. Cette évolution met fin à un pilotage essentiellement fondé sur des circulaires et pratiques internes, et apporte aux entreprises un cadre stable, une paie mieux maîtrisée et moins de frictions lors des contrôles.

Ce changement s’inscrit dans une continuité historique. Dès 1972, l’article 19 du dahir relatif à la sécurité sociale permettait déjà d’écarter de l’assiette de cotisation les rémunérations à caractère compensatoire. Au fil des années, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) a précisé ces contours sans disposer d’un référentiel complet et consolidé. L’adoption de la loi n°02-24, entrée en vigueur en avril 2025, puis du décret n°2-25-266, a préparé le terrain à une codification claire. L’arrêté actuel achève ce processus en rapprochant, quand cela s’impose, les plafonds de référence de ceux du Code général des impôts, facilitant l’alignement entre exigences fiscales et sociales.

Le dispositif consacre la preuve documentaire comme principe central. Pour qu’une indemnité, une prime ou un avantage en nature soit exclu de l’assiette CNSS, ils doivent être étayés par des pièces justificatives : ordres de mission, attestations, contrats, factures ou états de paiement. Cette exigence fait de la conformité un exercice continu plutôt qu’un contrôle ponctuel. Elle sécurise les recettes de la CNSS, tout en protégeant les employeurs contre les requalifications en l’absence d’éléments probants.

Lire aussi : Gestion de l’AMO public : Un transfert vers la CNSS dans le respect des droits acquis

Sur le plan pratique, plusieurs réglages méritent attention. Les frais de mission, notamment à l’international, voient leur plafond d’exonération relevé de moitié supplémentaire, à condition d’être documentés avec précision. Les indemnités kilométriques sont désormais réservées aux déplacements excédant 50 km et ne peuvent coexister avec l’attribution d’un véhicule de service, ce qui écarte les doublons. Les indemnités de transport domicile–travail et de tournée conservent leurs plafonds, mais leurs règles de non-cumul sont clarifiées afin d’éviter les superpositions d’avantages.

Les avantages liés à la restauration gagnent en cohérence. Primes de panier et titres-restaurant suivent désormais un traitement social harmonisé, ce qui simplifie le paramétrage des outils de paie et réduit les zones d’ombre. D’autres rubriques sont ajustées pour refléter les pratiques actuelles : allocations familiales, aides sociales, indemnités de départ ou de représentation. Les dispositifs relatifs à la formation et aux stages sont, eux aussi, resserrés afin d’assurer que les exonérations restent corrélées à un objectif pédagogique et d’employabilité, et ne se transforment pas en rémunérations déguisées.

Le périmètre des exonérations est élargi à de nouveaux profils et situations. Sont concernés les intermédiaires non patentés, des professionnels indépendants affiliés à l’AMO et à des régimes de retraite, ainsi que des catégories mixtes comme les retraités ou les fonctionnaires effectuant une mission temporaire dans le privé. Les contrats d’assistance technique conclus entre personnes morales, lorsque l’une d’elles est étrangère et non résidente, bénéficient également d’un cadre spécifique d’exonération, tenant compte de la réalité des prestations transfrontalières.

Pour les organisations, les effets attendus sont concrets : un corpus normatif lisible qui réduit l’incertitude, une meilleure prévision des charges sociales et une professionnalisation des processus de paie. La réussite passera par trois leviers : cartographier l’ensemble des avantages et les qualifier correctement ; renforcer la chaîne documentaire, de la demande initiale à l’archivage ; adapter les SIRH et les paramétrages de paie pour intégrer plafonds, non-cumul et alertes de dépassement, avec un historique exploitable en cas de vérification.

En substituant à des usages administratifs un cadre pleinement juridique, l’arrêté n°1314.25 opère un basculement structurant. La clarification des règles de non-cumul, l’articulation avec la fiscalité et la centralité des justificatifs constituent un dispositif plus lisible et plus équitable. Les entreprises y gagnent en sécurité et en transparence, tandis que la CNSS consolide l’équité contributive. Autant d’éléments qui concourent à un système social plus robuste et mieux adapté aux transformations de l’économie marocaine.

Continuer la lecture

Bouton retour en haut de la page