Economie

Casablanca, levier stratégique du financement du plan de développement de la Centrafrique

La République centrafricaine (RCA) a choisi Casablanca, vitrine financière et diplomatique du Maroc, pour dévoiler son Plan national de développement 2024-2028, estimé à près de 7 000 milliards de francs CFA (environ 10,7 milliards d’euros). Les 14 et 15 septembre 2025, la capitale économique marocaine s’est transformée en carrefour de bailleurs de fonds et d’investisseurs internationaux, venus examiner la stratégie d’un pays longtemps enfermé dans l’image d’une nation fragilisée par les conflits.

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a justifié ce choix en évoquant « l’excellence des relations historiques » avec le Maroc et la volonté du roi Mohammed VI de soutenir la prospérité africaine. Mais au-delà du discours diplomatique, la RCA s’ancre dans un environnement financier en pleine expansion : Casablanca Finance City (CFC), classée première place africaine dans l’indice Global Financial Centres Index, attire désormais plus de 220 institutions bancaires, assureurs et fonds d’investissement opérant sur le continent.

« Chaque dollar investi dans le Plan national de développement est un pari sur la paix et le développement durable », a insisté Nadia Fettah Alaoui, ministre marocaine de l’Économie et des finances, lors de la séance inaugurale. Le signal envoyé est clair : en s’appuyant sur un hub reconnu, Bangui entend crédibiliser son programme et diversifier ses sources de financement au-delà des traditionnels appuis budgétaires.

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Avec une enveloppe de 10,7 milliards d’euros, la RCA se situe à un niveau intermédiaire par rapport à d’autres plans africains. Le Sénégal a lancé en 2024 son Plan Sénégal Émergent (PAP3) pour 27 182 milliards de francs CFA (41,4 milliards d’euros), tandis que le Niger avait présenté en 2022 son PDES « Renaissance III » chiffré à 29,6 milliards d’euros. Le Gabon, de son côté, avait calibré son Plan d’accélération de la transformation (PAT) à environ 4,5 milliards d’euros, essentiellement pour relancer l’économie post-Covid.

Ces comparaisons soulignent la relative modestie du programme centrafricain, mais aussi son réalisme : dans un contexte où les flux d’investissement directs étrangers vers la RCA ne dépassaient pas 30 millions d’euros en 2023, selon les données de la CNUCED, la stratégie vise avant tout la crédibilité et l’effet d’entraînement.

Le miroir de la CEMAC

Dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), la RCA reste à la traîne. Le Cameroun a attiré 680 millions d’euros d’IDE en 2023, le Tchad environ 780 millions, et le Congo 530 millions, principalement dans les hydrocarbures. La Centrafrique, dépourvue de profondeur de marché et pénalisée par l’absence de notation souveraine récente, peine à rivaliser. Le choix de Casablanca vise précisément à compenser ces handicaps en exposant le pays à un public plus large d’investisseurs.

Le Fonds monétaire international (FMI) a rappelé la fragilité du modèle centrafricain. Samba Mbaye, représentant de l’institution, a alerté sur « une dépendance extrême aux financements extérieurs » et un recours excessif aux emprunts domestiques, coûteux et peu soutenables. Pour le FMI, seule une combinaison de dons et de prêts concessionnels peut éviter une aggravation du fardeau de la dette.

Pour le Maroc, accueillir la table ronde renforce sa stratégie africaine. Après avoir investi près de 2,8 milliards de dollars (environ 2,4 milliards d’euros) sur le continent en 2024, Rabat entend consolider son rôle de plateforme Sud-Sud. La présence de Casablanca Finance City, qui fédère banques et fonds internationaux, illustre ce repositionnement. « Le Maroc se veut trait d’union entre l’Afrique subsaharienne et les marchés mondiaux », rappelle un rapport de la Banque africaine de développement.

En accueillant la RCA, le Royaume confirme qu’il entend se placer au centre des dynamiques financières africaines, transformant ses capitales économiques en passerelles régionales. Pour Bangui, ce choix est un pari : transformer l’image d’un pays fragile en « terre d’opportunités » grâce à un levier géostratégique unique.

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