600 M€ investis et un soft power en construction
Le mercato estival s’est conclu en Arabie saoudite sur un bilan qui illustre une transformation profonde du paysage footballistique international : près d’une vingtaine de joueurs français ont rallié cet été la Saudi Pro League, séduits par des salaires faramineux et un projet sportif aux accents géopolitiques. Avec environ 600 millions d’euros dépensés, Ryad a frappé plus fort que la Ligue 1, confirmant son ambition de faire du football un outil central de son soft power à l’horizon de la Coupe du monde 2034.
En attirant Darwin Nunez (55 millions d’euros, Al Hilal), Joao Felix (30 millions, Al Nassr) ou encore Mateo Retegui (70 millions, Al Qadsiah), l’Arabie saoudite a envoyé un signal clair : son projet n’est plus cantonné aux anciennes gloires en fin de carrière. Les clubs, soutenus par le puissant fonds souverain PIF, misent désormais sur des joueurs au sommet de leur potentiel ou même en début de trajectoire. Cette diversification des profils traduit une stratégie d’implantation durable sur l’échiquier mondial, loin de l’image d’une simple « préretraite dorée ».
La présence d’une vingtaine de joueurs tricolores témoigne de l’ampleur du phénomène. Qu’ils soient internationaux confirmés, espoirs en quête de visibilité ou éléments de rotation de clubs européens, tous ont succombé à l’attrait des salaires multipliés par trois ou quatre par rapport aux standards européens. Cette vague française révèle également la fragilité relative de la Ligue 1, incapable de rivaliser financièrement, mais aussi le basculement de l’Arabie saoudite en acteur central du marché mondial des transferts.
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L’Arabie saoudite ne cache pas ses intentions : utiliser le football comme un levier de rayonnement international. Après avoir investi massivement dans le golf ou la Formule 1, Ryad inscrit désormais la Saudi Pro League dans sa stratégie Vision 2034, qui vise à transformer l’économie du royaume et à redorer son image. La Coupe du monde 2034, que l’Arabie coorganisera avec la Grèce et l’Égypte, s’inscrit dans cette dynamique. L’arrivée de joueurs de haut niveau, notamment européens, sert autant les objectifs sportifs que l’affirmation d’une puissance politique en quête de reconnaissance sur la scène mondiale.
Ce transfert massif d’acteurs vers le Golfe pose une double interrogation. D’une part, sur l’équilibre compétitif des championnats européens, fragilisés par la fuite de talents. D’autre part, sur la nature même du football, de plus en plus intégré aux stratégies d’influence des États. Pour de nombreux observateurs, la Saudi Pro League n’est plus une curiosité passagère mais un acteur durable, capable d’imposer de nouveaux standards économiques et d’infléchir les rapports de force du football mondial.