le gouvernement recourt aux importations d’urgence
Pour contenir la hausse des prix des viandes rouges, le Maroc double son quota d’importation à 300.000 bovins d’ici fin 2025. Cette mesure vise à répondre à la forte demande et à soutenir la reconstitution du cheptel national, mais elle interroge sur la dépendance croissante aux importations.
Face à l’escalade continue des prix des viandes rouges, le gouvernement marocain a pris une décision majeure visant à stabiliser le marché et à protéger le pouvoir d’achat des ménages. Un décret du ministre chargé du Budget prévoit désormais de doubler le quota d’importation de bovins domestiques, qui passera de 150.000 à 300.000 têtes d’ici la fin de l’année. Cette mesure intervient dans un contexte où l’approvisionnement en viande rouge reste fragile, tandis que la consommation intérieure demeure parmi les plus élevées d’Afrique du Nord, avec plus de 17 kg par habitant en 2020.
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Les causes de cette tension sur le marché sont multiples. Depuis trois ans, la production locale a été durement affectée par une succession de sécheresses sévères qui ont réduit la disponibilité en fourrage, entraînant la diminution des troupeaux et une hausse marquée des coûts de l’alimentation animale. Parallèlement, la crise sanitaire et la pression économique ont conduit à l’abattage d’une partie des femelles reproductrices, réduisant ainsi le potentiel de reproduction et limitant la capacité de reconstitution du cheptel. Résultat : une offre intérieure qui peine à suivre la demande croissante, poussant les prix vers le haut.
Cette flambée impacte particulièrement les ménages à revenus modestes. Selon la Direction des Statistiques Sociales, près de 38 % des foyers ruraux ont réduit leur consommation de viande en raison de la hausse des prix. Dans ce contexte, la suspension des droits de douane et de la TVA pour les bovins importés a été présentée comme une solution immédiate pour contenir l’inflation alimentaire, qui a atteint 8,5 % en 2024 selon le Haut-Commissariat au Plan. Toutefois, plusieurs experts mettent en garde contre une dépendance excessive aux importations, estimant qu’elle pourrait fragiliser la souveraineté alimentaire du pays à moyen terme.
Les sécheresses des années 2022 et 2023, considérées par le ministère de l’Agriculture comme parmi les plus graves des trois dernières décennies, ont mis en évidence la vulnérabilité structurelle de la filière. Bien que le Plan Maroc Vert 2, lancé en 2023, vise à améliorer la résilience du secteur à travers l’irrigation, la mécanisation et la formation des éleveurs, les résultats concrets tardent encore à se faire sentir. De plus, seule une faible proportion des exploitations, environ 15 % selon l’ONSSA, bénéficie d’une assurance agricole, accentuant la fragilité face aux aléas climatiques.
Pour soutenir les éleveurs, une enveloppe budgétaire de 11 milliards de dirhams a été mobilisée pour financer l’achat d’aliments, préserver les femelles reproductrices, alléger l’endettement et renforcer les campagnes de vaccination. Un programme national de renouvellement génétique et de promotion de l’élevage extensif durable, en partenariat avec la FAO, est également à l’étude. Les projections du ministère de l’Agriculture estiment que les importations pourraient représenter 20 % de la consommation nationale d’ici 2026, contre 10 % en 2023, soulignant l’ampleur des défis à relever pour garantir la souveraineté alimentaire.