Economie

le Maroc redéfinit ses partenariats au-delà de l’Europe

Par Hajar Ben Hosain

Depuis plus de quarante ans, le Japon s’affirme comme un allié de premier plan du Maroc dans le domaine de la pêche maritime. Une coopération exemplaire saluée lors d’une récente rencontre entre les deux parties, où il a été question d’innovation, de durabilité et de nouveaux projets structurants pour l’avenir du secteur halieutique marocain.

La secrétaire d’État chargée de la Pêche maritime, Zakia Driouich, a eu, ce mardi 6 mai 2025 à Rabat, un entretien avec l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon au Maroc, M. Nakata Masahiro, afin d’examiner les moyens de renforcer la coopération bilatérale dans le domaine de la pêche maritime.

Selon les médias, les échanges ont également porté sur l’Accord de pêche en vue de la prochaine session de consultation annuelle prévue cette année à Tokyo. Les deux parties ont par ailleurs salué la qualité des relations bilatérales, matérialisée par la mise en œuvre de nombreux projets majeurs, notamment la construction du navire de recherche océanographique Al Hassan Al Marrakchi (financé par un prêt japonais en 2018), le projet de développement du village de pêcheurs nouvelle génération de Souiria K’dima (2024-2027), ainsi que le projet de développement de l’aquaculture pour la croissance bleue, actuellement en cours de réalisation.

Cette décision s’inscrit dans la stratégie du Maroc visant à intensifier ses partenariats avec des pays non européens, en particulier d’Asie et d’Afrique, afin de contrebalancer l’influence historique de l’Europe dans le secteur de la pêche maritime. Le Royaume œuvre depuis longtemps pour une pêche équitable et conçue pour être bénéfique à l’ensemble des parties prenantes.

La quête du Maroc de nouveaux partenaires non européens s’inscrit dans une dynamique géopolitique complexe, marquée par l’érosion progressive des accords historiques avec l’Union européenne (UE) et la nécessité de consolider des alliances alternatives. Le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé l’invalidité des accords de pêche signés en 2019, justifiée par un « manque de consentement explicite du peuple sahraoui, pourtant essentiel pour leur validité ».

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Dans ce cadre, la coopération entre le Maroc et le Japon dans le domaine de la pêche maritime, notamment dans l’océan Atlantique, repose sur une relation historique amorcée dès 1985 avec la signature d’un premier accord autorisant des navires japonais à pêcher le thon et la bonite dans les eaux marocaines. Cette diplomatie japonaise de la pêche poursuivait trois objectifs principaux : garantir l’approvisionnement alimentaire du Japon, obtenir des droits de pêche dans l’Atlantique marocain et s’assurer du soutien de partenaires politiques pour défendre sa position sur la pêche au thon et la chasse à la baleine.

Renforcement de la coopération maritime avec la Russie

En outre, l’émergence de nouveaux acteurs mérite d’être soulignée, notamment avec la signature, en mars 2025, d’un accord quadriennal entre le Maroc et la Russie, marquant une étape importante dans le renforcement de leur coopération maritime. Confirmé par l’Agence fédérale russe des pêches, cet accord ouvre de nouvelles perspectives à l’industrie halieutique russe, soucieuse d’accéder aux stocks encore inexploités des eaux poissonneuses marocaines.

Cet accord revêt également une dimension géostratégique inédite, dans la mesure où la Russie saisit l’opportunité créée par les tensions entre le Maroc et l’Union européenne pour renforcer sa présence dans la région. Pour le Royaume, il s’agit aussi d’un signal fort ; permettre à une puissance comme la Russie d’accéder, avec son accord explicite, aux ressources halieutiques au large du Sahara marocain.

Dans le même esprit, la Chine, premier producteur mondial de poisson, a signé avec le Maroc, le 4 juillet 2023, un mémorandum d’entente dans le domaine de la pêche maritime ; une date qui a coïncidé avec l’expiration de l’accord de pêche avec l’Union européenne. Depuis, la Chine opère au moins six navires battant pavillon marocain dans les eaux du Royaume. À cet égard, l’Union européenne a exprimé ses inquiétudes quant au rapprochement entre la Chine et le Maroc, redoutant que cela n’aboutisse à la conclusion d’un accord de pêche susceptible de se faire à son détriment.

En privilégiant des partenariats avec des pays non alignés sur la position européenne concernant le Sahara marocain, le Maroc parvient à neutraliser efficacement les contestations juridiques. Le Japon, la Russie et la Chine reconnaissent de facto la souveraineté du Royaume sur ses eaux atlantiques, y compris celles au large du Sahara, sans exiger de consultations locales.

Par ailleurs, la diversification des partenariats permet de réduire la vulnérabilité du Maroc face aux aléas des relations euro-marocaines, connues pour leur caractère historiquement cyclique. Alors que l’Union européenne représentait 60 % des investissements directs étrangers dans le secteur halieutique en 2022, les nouveaux accords conclus avec des partenaires asiatiques et la Russie pourraient faire baisser cette part à 45 % d’ici 2026, selon les projections liées à l’évolution des relations avec l’UE et de la mise en œuvre effective des nouveaux accords.

Les coopératives, levier de l’économie bleue

Dans cette stratégie de diversification des partenariats et de consolidation de son modèle halieutique, le Maroc mise également sur le renforcement du tissu coopératif national. Dans une volonté affirmée de stimuler l’économie bleue et de promouvoir une croissance inclusive, un nouvel appel à manifestation d’intérêt a été lancé le 18 avril 2025 en faveur des coopératives de la pêche maritime, conformément à la loi 112-12 relative aux coopératives.

Portée par le Secrétariat d’État auprès du ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un programme de soutien visant à accompagner techniquement et financièrement des projets novateurs à fort impact social. L’objectif est d’insuffler une nouvelle dynamique au mouvement coopératif à travers le développement d’initiatives durables, créatrices d’emplois, respectueuses de l’environnement et génératrices de richesse au profit des communautés locales.

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