Economie

Chèques, prélèvements… pourquoi les incidents persistent malgré la digitalisation

Malgré une digitalisation avancée, le Maroc fait face à une crise de confiance dans ses paiements, révèle l’African Scientific Journal. Les incidents ne sont pas une faille technique, mais le symptôme d’un manque de probité commerciale, poussant les experts à réclamer plus de rigueur dans la législation, note la revue scientifique.

Le système de paiement vit une transformation profonde. D’un côté, la digitalisation s’accélère, avec une adoption massive des cartes bancaires et des virements instantanés. De l’autre, les moyens traditionnels comme les chèques, lettres de change et prélèvements automatiques continuent de générer un nombre alarmant d’incidents, minant la confiance dans le tissu économique.

Les chiffres témoignent d’une expansion remarquable de la bancarisation et des paiements numériques. En 2022, le nombre de comptes ouverts a atteint 33,9 millions, en hausse de 8,4 %, selon l’African Scientific Journal. Plus de 20 millions de cartes bancaires étaient en circulation en 2023, tandis que la valeur des virements, notamment instantanés, a dépassé les 2 900 milliards de dirhams la même année. Ces données soulignent une digitalisation poussée, qui transforme rapidement le paysage financier.

Pourtant, cette modernisation cohabite avec la persistance et même la montée des problèmes liés aux instruments traditionnels. Les chèques, loin de disparaître, représentaient encore en 2023 plus de 1 290 milliards de dirhams en transactions. Or, ces moyens concentrent la majorité des incidents : en 2022, le taux de rejet des chèques s’élevait à 3,3 %, celui des lettres de change à 14 %, et les prélèvements automatiques affichaient un taux vertigineux de 78,7 %. Ces chiffres traduisent une situation préoccupante, surtout quand on sait que la quasi-totalité des rejets est due à l’absence ou l’insuffisance de provision. À l’inverse, le virement bancaire jouit d’une fiabilité quasi parfaite avec seulement 0,1 % de rejets.

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Pour comprendre ces dysfonctionnements, 50 experts du secteur bancaire national ont été interrogés. La majorité écrasante (45 %) désigne un déficit d’honnêteté chez certains usagers comme la cause principale des rejets. Plus qu’une faiblesse technique, le problème est éthique : les chèques et lettres de change sont souvent détournés de leur fonction initiale, utilisés comme instruments de pression ou garanties fragiles dans un contexte de mauvaise foi.

D’autres facteurs sont aussi en jeu, comme la méconnaissance des procédures bancaires (25 %) et la mauvaise gestion financière (24 %), mais ils restent secondaires face à ce problème de confiance.

Face à ce constat, les professionnels réclament une riposte ferme. Une majorité (43 %) préconise un durcissement du cadre légal encadrant les instruments de paiement, avec des sanctions plus dissuasives. Parallèlement, 33 % appellent à renforcer l’éducation financière, pour mieux sensibiliser les usagers aux obligations et risques liés aux paiements. Enfin, 24 % suggèrent de simplifier les démarches administratives, souvent perçues comme un obstacle.

La technologie, aussi avancée soit-elle, ne suffira pas à régler ces problèmes. Le potentiel du système interbancaire marocain d’exécution rapide des paiements doit être mieux exploité, notamment via la digitalisation, l’intelligence artificielle et des outils de détection de fraude plus performants.

L’inclusion financière progresse (58 % des adultes bancarisés en 2024), mais l’usage actif reste limité, notamment en zones rurales. Le défi du Maroc est donc clair : il doit allier modernisation technologique et évolution des comportements pour bâtir un système de paiement fiable, sécurisé et digne de confiance.

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