Economie

la compétence, nouvel étalon du marché du travail

Les entreprises, confrontées à la mutation rapide des métiers et à l’essor de l’intelligence artificielle, revoient leurs priorités. Ailleurs, la valeur des savoir-faire opérationnels supplante progressivement celle des diplômes traditionnels. L’essor de l’intelligence artificielle et de l’automatisation impose un changement de paradigme. L’Afrique et le Maroc n’échappent pas à l’épreuve de cette mutation.

Les services de ressources humaines vivent une révolution silencieuse. La valeur opérationnelle d’un candidat compte aujourd’hui davantage que le prestige de son parcours académique. Ce basculement, amorcé depuis plusieurs années, s’accélère à mesure que les transformations technologiques redéfinissent les métiers et que la pénurie de talents qualifiés s’aggrave.

Selon une enquête menée en 2025 par ETS auprès de plus de 1 000 décideurs RH dans le monde, près de 90 % des recruteurs affirment élargir désormais leur recherche au-delà des diplômés d’université. L’objectif est clair : trouver des profils capables de répondre immédiatement aux besoins de l’entreprise. Ce changement d’approche traduit un mouvement de fond. Dans la même étude, 79 % des responsables anticipent des difficultés croissantes à identifier des profils compétents, tandis que 81 % des salariés estiment que, d’ici 2035, la certification de nouvelles compétences sera aussi valorisée qu’un diplôme.

Pour Michelle Froah, directrice mondiale marketing et innovation chez ETS, « il ne s’agit pas de remplacer les diplômes, mais de les compléter par des compétences réelles et démontrables », gages d’employabilité et de compétitivité dans un marché en perpétuelle mutation.

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Les données récentes confirment cette montée en puissance. En 2025, 85 % des entreprises déclarent avoir adopté une stratégie de recrutement fondée sur les compétences, contre 81 % un an plus tôt. Parallèlement, 67 % affirment s’éloigner du CV traditionnel. Aux États-Unis, 64,8 % des recruteurs privilégient déjà ce type d’approche lors des entretiens ou des présélections.

Les bénéfices sont tangibles : le temps moyen pour pourvoir un poste diminue de 37 %, la rétention des employés progresse de 25 % et l’adaptabilité des équipes s’accroît de 42 %. Près de 90 % des entreprises constatent une baisse significative des erreurs de recrutement et 94 % notent de meilleures performances chez les nouvelles recrues disposant des compétences recherchées.

LinkedIn souligne également que les pratiques fondées sur les compétences élargissent considérablement le vivier de talents : multiplication par 8,2 des profils disponibles pour les postes liés à l’intelligence artificielle, hausse de 24 % de la part des femmes et progression de 6 % de l’accès aux postes pour les candidats sans diplôme universitaire. Dans certains secteurs émergents, comme les métiers « verts » au Royaume-Uni, la prime accordée aux compétences dépasse celle du diplôme, atteignant +23 %.

L’Afrique et le Maroc à l’épreuve du changement

La vague n’épargne pas le continent africain. Le potentiel est immense : une population jeune et en forte croissance. Mais l’absence de systèmes nationaux robustes de certification des compétences et le poids culturel accordé au diplôme freinent l’adoption d’approches RH centrées sur le savoir-faire.

Au Maroc, le décalage est manifeste. Selon le Haut-Commissariat au Plan, 33 % des jeunes de 15 à 24 ans étaient au chômage en 2024, un taux qui grimpe à plus de 45 % dans certaines zones urbaines. Dans le même temps, plus de 60 % des entreprises sondées par la Confédération générale des entreprises du Maroc signalent des difficultés à recruter des profils qualifiés. Le problème ne réside pas dans le manque de diplômés, mais dans l’insuffisance de compétences techniques immédiatement exploitables.

Pour le Royaume, l’enjeu est stratégique : adapter les formations initiales aux besoins réels du marché et bâtir un système national de reconnaissance des compétences. Cette évolution, déjà amorcée dans certains pays émergents, pourrait permettre à la jeunesse marocaine de transformer le défi de l’emploi en opportunité, à condition que les acteurs publics et privés convergent vers un modèle où la valeur du savoir-faire est pleinement reconnue.

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