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Inquiétudes sur la protection des ayants droit

Malgré les garanties constitutionnelles, le droit de propriété au Maroc est entravé par des pratiques administratives abusives, des plans d’aménagement périmés et des expropriations sans indemnisation réelle, comme le révèle le rapport 2024 du médiateur du Royaume.

Le dernier rapport annuel 2024 du médiateur du Royaume, présenté le jeudi 24 juillet 2025 à Rabat, révèle sans détour un mal profondément enraciné dans la gestion publique au Maroc, notamment la remise en cause du droit de propriété, pourtant garanti par l’article 35 de la Constitution. Ce droit, censé être protégé, se heurte à une série de dérives structurelles, allant de l’expropriation sans indemnisation à la paralysie administrative, en passant par des plans d’aménagement périmés qui continuent de produire des effets juridiques.

Au cœur des préoccupations figure l’expropriation pour cause d’utilité publique. Si le principe est reconnu par la loi, sa mise en œuvre pose problème. Selon les médias, le médiateur dénonce des procédures longues, opaques et marquées par des évaluations d’indemnités souvent bien inférieures à la valeur réelle du marché. Dans de nombreux cas, les citoyens sont contraints de saisir la justice pour obtenir réparation, ce qui alourdit la charge de l’État et retarde davantage le versement des indemnités, déjà affectés par l’insuffisance des crédits budgétaires.

Et même après des décisions judiciaires favorables, selon la même source, les expropriés se heurtent à des obstacles supplémentaires, notamment des demandes de documents additionnels, la levée d’hypothèques inexistantes… autant de pratiques qui compromettent l’effectivité des garanties constitutionnelles.

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En outre, le rapport révèle une dérive alarmante : la persistance des plans d’aménagement urbain périmés. Certains datent de plus de dix ans, mais continuent d’imposer des restrictions sur des terrains, empêchant les propriétaires de vendre, de construire ou de lotir. Et ce, en violation directe de l’article 28 de la loi 12.90, qui prévoit la levée automatique de ces restrictions après expiration.

Malgré les circulaires ministérielles de 2012 et 2016 incitant à la mise à jour des documents d’urbanisme, les agences urbaines se montrent peu réactives. Le médiateur pointe du doigt une lenteur administrative injustifiée, aggravée par une absence de coordination entre les différents acteurs.

Pour y remédier, l’Institution recommande notamment d’engager sans délai les procédures d’acquisition des biens concernés, en coordination avec la Direction des domaines de l’État, afin de garantir des indemnisations raisonnables dans des délais acceptables, et de permettre le lancement immédiat des projets prévus. Elle insiste également sur la nécessité d’une révision du mode de gestion de la planification urbaine afin de réconcilier exigence d’aménagement et respect du droit de propriété.

Plans caducs, biens bloqués

Ces constats, bien qu’alarmants, ne sont pas isolés. Plusieurs rapports nationaux et internationaux viennent les corroborer. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans sa Revue de la politique urbaine nationale (2025) publiée le 13 mars 2025, souligne l’absence de coordination et la faiblesse des documents de planification urbaine, sources de blocages à l’investissement. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son rapport Land tenure in Morocco, publié en juillet 2024, dénonce la multiplicité des régimes fonciers et l’absence d’un cadastre national intégré. Quant à l’Arab Land Initiative, elle pointe, dans une étude publiée en mars 2025, l’absence de mécanisme garantissant le versement effectif des indemnités d’expropriation avant la prise de possession des biens, en dépit des garanties constitutionnelles.

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